La Grande Mosquée de Paris est aussi un symbole politique

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun. . DR

ChroniqueQue faire aujourd’hui alors que les médias algériens ne cessent d’agresser le Maroc avec vulgarité et haine? Ne pas répondre? Certes, c’est la sagesse. Mais il faut répondre en rappelant des faits de l’histoire; il ne faut pas user d’un langage ordurier et insultant. Il faut juste les instruire.

Le 07/12/2015 à 12h45

Il arrive quand on appartient à la même famille qu’un frère ou un oncle se croit tout permis et s’empare de ce qui lui plaît sans se demander s’il avait le droit de prendre ce qui ne lui appartient pas.

La preuve qu’Algériens et Marocains sont de la même famille, les autorités de nos voisins, frères et cousins, viennent de décider de «s’approprier officiellement la Grande Mosquée de Paris» qui se trouve dans le cinquième arrondissement. Entre- temps le recteur de la Grande Mosquée de Paris, le Franco-algérien Dalil Boubakeur, a publié un démenti qui tempère les déclarations du ministre algérien des Affaires religieuses qui a affirmé que l'Algérie a entamé officiellement les procédures d'appropriation de cet édifice.

Rappelons les faits! Sous l’impulsion du maréchal Lyautey, cette mosquée a été construite par le Maroc et fut inaugurée le 16 juillet 1926 par le Sultan Moulay Youssef en présence du maréchal. Depuis, la France et le Maroc l’ont financée et entretenue. Le militant algérien Messali Hadj a, à l’époque, critiqué l’existence de ce lieu de culte l’appelant «Mosquée réclame».

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Le 31 mai 1934, le colonel Tringuet, agissant sous les ordres du général Giraud, occupe au nom de la France la ville marocaine de Tindouf. Elle fut rattachée à la commune Beni Abbès et fut tout simplement annexée à l’Algérie, territoire français à l’époque. On raconte que des chercheurs français auraient trouvé là des minerais de fer, ce qui justifia l’annexion et donc le vol. Après l’indépendance, nos frères algériens ont refusé de rendre au Maroc la ville de Tindouf.

Sur l’affaire de Tindouf, le Maroc, surtout après la guerre des sables d’octobre 1963, a été conciliant. Il a eu tort, car c’est dans cette ville et à partir de ce territoire marocain que le Polisario mène une guerre au Maroc avec l’argent, les armes et la stratégie d’Alger. Il faut rappeler un point d’histoire: en 1958, alors que le peuple algérien était en pleine guerre contre la France, les trois grands partis nationalistes (l’Istiqlal, le Destour et le FLN) se sont réunis à Tanger pour coordonner leurs politiques et venir en aide aux frères algériens qui devaient arracher leur indépendance en payant un prix très fort. A un certain moment, Allal El Fassi aurait posé le problème de Tindouf. Le chef de la délégation algérienne aurait dit «Mais bien sûr que cette ville marocaine vous sera restituée puisque c’est le colon français qui vous l’a volée pour l’annexer à un territoire qu’il pensait être le sien éternellement. Dès notre indépendance, Tindouf reviendra au Maroc». La suite, on la connaît.

Que faire aujourd’hui alors que les médias algériens ne cessent d’agresser le Maroc avec vulgarité et haine? Ne pas répondre? Certes, c’est la sagesse. Mais il faut répondre en rappelant des faits de l’histoire ; il ne faut pas user d’un langage ordurier et insultant. Il faut juste les instruire. Je suis certain que nombre d’Algériens sont de bonne foi et considèrent que le Maroc n’est pas un obstacle à leur bonheur. 

Aujourd’hui, la Grande Mosquée de Paris est convoitée par le régime algérien. Le Figaro du 5 décembre 2015 rappelle que ce lieu de culte a été «inspiré par plusieurs édifices de Fès». Ce sont des artisans marocains qui l’ont construit. Le maréchal Lyautey voulait à l’époque «rendre hommage aux milliers de combattants musulmans du Maghreb morts pour la France lors de la première guerre mondiale».

A propos de Tindouf, le Maroc ne voulant pas envenimer les relations avec le pays frère, accepte le 15 juin 1972 un accord frontalier. Il sera ratifié par l’Algérie en 1973 et par le Maroc en 1992. 

La mosquée de Paris est en fait un centre cultuel et culturel. On y prie, mais on y mange, on boit du thé à la menthe, on se relaxe au hammam. Bref, c’est un lieu où il n’est pas interdit de faire quelques affaires. Il devrait revenir à la France. Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur de François Mitterrand, pour apaiser les relations tumultueuses avec l’Algérie, avait renoncé à la tutelle de cet établissement. Un cadeau à Alger et une injustice à l’égard du Maroc. Voilà pourquoi le Maroc devrait se manifester et rappeler ses droits sur un lieu qui est aussi un symbole politique.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 07/12/2015 à 12h45