Encore quelques mots sur Tanger …

Tanger en 2016

Tanger en 2016 . dr

ChroniqueAyant déjà parlé, cette année, de la «reine du Détroit», notre chroniqueur croyait en avoir fini avec elle pour quelque temps … Et puis toc, atterrit sur son bureau une nouvelle fusée tangéroise, chargée d'infos jusqu'à la gueule…

Le 22/08/2016 à 15h17

Sachant d’expérience que pas mal de lecteurs apprécient qu’il y ait un «suivi» de la part des journalistes sur certains sujets en permanence dans l’actualité, et c’est bien le cas de Tanger, j’ai finalement choisi de revenir ici sur cette ville-monde, unique en son genre en méditerranée.

UN NIAGARA D’INFOS

Philippe Guiguet-Bologne, ce Tangérois d’adoption et qui fait maintenant figure de « Rachid Tafersiti français », vue la masse de son savoir sur Tanger, sort en effet une suite à son «Socco». Ça s’appelle «Achakkar », et c’est un déluge, une cataracte, un Niagara d’informations historiques, culturelles, sociologiques sur Tanger d’aujourd’hui et d’hier. J’ai traqué les répétions, les redites, dans ce deuxième volume, par rapport au premier, afin de me dispenser d’en parler, eh! bien je n’en ai point trouvées — d’où cette chronique.

ABDELLAH GUENNOUN

Certes, j’ai été à plusieurs reprises agacé par l’avalanche de futilités, de superficialités, alignées par Guiguet, mais un lecteur marocain indulgent m’a dit : «Que voulez-vous, ça aussi, c’est Tanger !». Et j’ai persévéré dans ma lecture, oubliant ces mondanités lorsque Guiguet insère dans son texte des figures tangéroises peu connues ou oubliées, et montrant que cette cité, devenue aussi un mythe universel depuis plus d’un siècle, a produit des gens de valeur. Qui ? Eh! bien par exemple feu Abdellah Guennoun, ce natif de Fez en 1908, venu tout jeune à «Tanja» où il devint vite polyglotte, étant bientôt l’un des premiers beaux esprits marocains dotés d’une parfaite double culture orientale et occidentale. Resté indépendant de la plupart des courants de pensée présents en Chérifie au XXe siècle, Guennoun, fut politiquement récompensé après l’indépendance, en 1956, par sa nomination au poste de premier gouverneur du Tanger d’après le statut international, puis membre du Conseil du Trône, sous Hassan II, enfin doyen de la Ligue des théologiens musulmans du Royaume. Auteur, entre autres, d’un essai, toujours utilisé par l’élite arabophone, «Le génie marocain dans la littérature arabe», Abdellah Guennoun a rendu l’âme en 1989. Une école tangéroise porte son nom, de nos jours, dans un quartier populaire.

 UN PALE REFLET DE LA DIETRICH

Evidemment, j’ai beaucoup moins apprécié quand Philippe Guiguet-Bologne croit utile de nous dévoiler son admiration pour l’artiste polyvalente, Arielle Dombasle, cette Marlène Dietrich sans le timbre de voix, cette rose en plastique sous cellophane — mais il est vrai qu’elle est Madame Bernard-Henri Lévy à la ville, ce «philosophe» autoproclamé, un temps tenant lieu de conseiller es affaires arabes du président Sarkozy, d’où la catastrophe libyenne dont nous sommes encore loin d’être sortis …

UNE MERE TERESA ARABE

Je préfère hautement d’autres profils féminins tracés par l’auteur sur fond tangérois, à tout prendre même feu la pauvre milliardaire nord-américaine Barbara Hutton, bien plus «nature» et altruiste que Madame Dombasle, ou encore cette défunte princesse chérifienne, fille tardive du sultan déchu Moulay- Abdelaziz (1894-1908), véritable «Mère Teresa de l’Islam», et qui, hélas !, n’a pas encore de remplaçante à Tanger, où l’altesse fut durant un demi-siècle la providence des plus pauvres. Parmi les autres figures pâlies du Détroit ranimées par Guiguet, citons notre confrère italien francophone, Attilio Gaudio, qui, sous Hassan II, fut une sorte de doyen-conseiller des jeunes journalistes nord-africanistes. Avec lui, pas de coups bas, pas d’entourloupes mais toujours des conseils, des pistes, des nouveautés comme, lorsque, durant la décennie 1970, il apprit à nombre de journalistes débutants, arabes ou européens, que Rabat jouissait vraiment de droits historiques, religieux et juridiques, sur le Rio-de-Oro et la Séguia-el-Hamra, alors tenus encore solidement par l’Espagne franquiste et déjà convoités en douce par Alger …

Tout le Tanger II de Guiguet-Bologne est ainsi un contraste permanent entre vanités mondaines et valeurs sûres, et c’est peut-être, finalement, ce qui fait tout le prix de ce petit livre.

Lire : Philippe Guiguet-Bologne : « Achakkar, promenade à Tanger du Marchan au cap Spartel » , Ed Slaiki, Tanger, 215 p., 2016Voir : Collection historique tangéroise de Younès Cheik-Ali, Institut Cervantès, Tanger, jusqu’au 26 août

Par Hugoz Péroncel
Le 22/08/2016 à 15h17