Le Sahara, critère de la démocratisation de l’Algérie

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ChroniqueDes voix s’élèveront pour réclamer le règlement de cette absurde affaire qui ne perdure que parce que le pouvoir algérien le veut.

Le 02/05/2019 à 09h24

Supposons qu’il prenne au président Macron la soudaine lubie de soutenir les indépendantistes catalans. Manu décide de les accueillir dans le sud de la France, du côté de Perpignan, de les armer de tanks et de tromblons et de consacrer une partie du budget de la France à loger les Puigdemont et les Junqueras dans des palaces parisiens (à nous, le Crillon et le George V!). Il donne l’ordre à la diplomatie française de ne plus avoir qu’un seul sujet de conversation au Conseil de l’Europe et à l’ONU: la Catalogne! Enfin, il se coiffe d’un entonnoir, se peint le nez en rouge et envoie des émissaires lestés de billets de banque pour convaincre les Botswanais de soutenir “le droit à l’auto-détermination du peuple catalan“.

Question: combien de temps durerait ce délire?

Réponse: une demi-journée, pas plus. Dès ses intentions proclamées, ce serait la levée de boucliers. Le corps diplomatique entrerait en dissidence. Les chefs de l’armée refuseraient la présence sur le territoire français d’une armée étrangère. Les Français sortiraient dans la rue pour protester contre la mauvaise manière faite à l’Espagne, pays voisin et ami. Les partis politiques monteraient au créneau pour s’opposer à une telle aberration. Macron finirait la journée à Sainte-Anne, section des fous dangereux. Pourquoi? Parce que la France est un pays démocratique. Parce que ses institutions fonctionnent. Parce que les partis y sont vraiment des partis. Parce que la pluralité des opinions y est garantie.

A contrario, l’étrange unanimité qui a régné au cours des décennies passées en Algérie à propos du Sahara– président, gouvernement, syndicat (unique), partis-godillots, presse…– cette unanimité prouve que la démocratie n’y était qu’un slogan creux. Sinon, comment expliquer qu’il n’y ait pas eu une voix, une seule, pour faire entendre sur ce sujet un autre son de cloche que celui du “Pouvoir“?

(A vrai dire, un homme avait eu le courage de remettre en cause la position aberrante du “système“ algérien sur la question du Sahara: le président Boudiaf. Cet homme intègre connaissait bien le Maroc pour y avoir passé une partie de sa vie. Il savait donc que la thèse marocaine est bien plus solide que celle des séparatistes. Il avait compris que cette cause perdue ne servait qu’à justifier le discours soi-disant “révolutionnaire“ du complexe politico-militaire algérien et ses intérêts matériels. Démasqués, ils l’assassinèrent.)

Au cours des vingt dernières années, j’ai fréquenté dans les salons littéraires et les colloques plusieurs écrivains et intellectuels algériens (Benmalek, Sansal, Bey, Daoud, Bachi…), dont certains sont devenus mes amis. Et voici l’étonnant: aucun, jamais, n’a mentionné le Polisario parmi les causes qu’il soutenait. La Palestine, le climat, les femmes battues, les chats errants, oui; pas le Polisario. Quand je posais la question, ils haussaient les épaules: «C’est “le Pouvoir“ qui tient à ce truc-là, pour enquiquiner le Maroc et pour justifier l’énorme budget de l’armée…»

De ce qui précède, on peut tirer la conclusion suivante: si l’Algérie devient vraiment démocratique, des voix s’élèveront pour réclamer le règlement de cette affaire du Sahara qui ne perdure que parce que le pouvoir algérien le veut. Des partis inscriront dans leur programme la nécessité d’en finir avec cette tragédie qui empêche le Maghreb de se faire.

Si cela n’arrive pas, c’est que la démocratie n’est qu’une farce et que c’est un quarteron de généraux qui continue de diriger l’Algérie, en sous-main. Attendons de voir…

Par Fouad Laroui
Le 02/05/2019 à 09h24