Pensez aux détenus du Hirak!

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ChroniqueIl nous reste donc les détenus du Hirak. Aujourd’hui que leur voix a été entendue, il faut penser à leur rendre justice. Parce que leur place n’est pas derrière les barreaux mais auprès de leurs familles.

Le 28/10/2017 à 17h14

Et maintenant on fait quoi?Le licenciement brutal de plusieurs ministres et responsables envoie plusieurs messages, qui sont parfois contradictoires. On peut débattre, au cas par cas, de ces licenciements, de qui mérite quoi. Hassad méritait-il d’être chassé au moment où il s’apprêtait à secouer le cocotier de l’enseignement? Louardi était-il un si mauvais ministre de la Santé? Rachid Belmokhtar n’était-il pas l’un des meilleurs technocrates du royaume? Le PPS méritait-il pareille déculottée? Peut-on jeter toute la responsabilité des dérives dans le Rif aux seules personnes sanctionnées? Quid de la responsabilité de l’ancien chef de gouvernement, des ministres PJD ou RNI, des élus ou des régions?

Les responsables limogés et, plus encore, les «black-listés», n’avaient-ils pas le droit de défendre leurs bilans et de s’offrir une défense avant d’être condamnés?

On peut débattre de la manière, du sort de la démocratie dans tout cela, et de beaucoup de questions sensibles pour le devenir de ce pays.

On peut, par exemple, craindre que les réformes lancées dans certains secteurs, et là je pense d’abord à la Santé et à l’Education nationale, ne partent en fumée. J’ai toujours en tête la phrase d’un ancien ministre de Hassan II, que j’avais en face de moi. Je lui avais demandé, assez naïvement: «Monsieur le ministre, que comptez-vous faire du programme lancé par votre prédécesseur?». Il m’a fixé longuement avant de me répondre, avec le sourire en coin: «Mon prédécesseur a tout emporté avec lui: le programme mais aussi le mobilier du ministère!».

Ces questions, ces doutes, ces réserves, ces interrogations sont aujourd’hui légitimes. Mais il y a plus important encore. Cette série de licenciements donne à l’opinion publique le sentiment très net que l’ère de l’impunité est révolue. C’est aussi un message pour les élites qui dirigent le pays: attention, rien ne sera plus pardonné!

C’est ce message qu’il faut retenir. Il faut s’en servir comme nouvelle base pour essayer de construire quelque chose ensemble. C’est un message positif parce qu’il peut nous amener à croire, même si toutes les conditions ne sont pas réunies, que nous sommes plus proches d’une reddition que d’un règlement de comptes, plus proches aussi de la réparation que de la vengeance. Et puis revenons à l’essentiel, si vous voulez bien. Ces licenciements sont tous liés au même problème: les retards pris dans la réalisation des projets de développement à Al Hoceima et dans le Rif. Ces retards, rappelons-le, ont donné naissance au Hirak.

Un Hirak dont la plupart des meneurs sont aujourd’hui en prison.

La Cour des comptes a statué et dit: oui, il y a eu de graves manquements de la part des ministres et des responsables. L’Etat, à son plus haut nivea, a confirmé ce constat et agi directement: en renvoyant brutalement les responsables pointés.

Il nous reste donc les détenus du Hirak. Ils ne sont pas libres mais en prison. Malgré certains écarts quant à la forme prise par leur combat, leurs revendications étaient légitimes et leur colère justifiée. Mieux, leur voix a été entendue. Il faut aujourd’hui penser à leur rendre justice. Parce que leur place n’est pas derrière les barreaux mais auprès de leurs familles.

Par Karim Boukhari
Le 28/10/2017 à 17h14