Football: Quand Boudrika finance le club de son président Lekjaa

DiaporamaFouzi Lekjaa et Mohamed Boudrika, respectivement président et vice-président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), se retrouvent mêlés à un scandale financier lié au transfert d’un joueur. Récit d’une transaction qui en dit long sur les micmacs du financement du football.

Le 17/09/2014 à 18h31

Mohamed Boudrika a été d'un précieux soutien à Fouzi Lekjaa dans sa campagne pour prendre la tête de la FRMF.  . Brahim Taougar - Le360

Abdelhadi Halhoul. Le nom de ce joueur entre dans les annales du football marocain. Non qu’il s’agisse d’un talent exceptionnel qui risque de nous ramener la prochaine coupe d’Afrique des nations (CAN) qui se tiendra en janvier 2015 au Maroc, mais simplement parce que son transfert d’un club à l’autre a été réalisé grâce à un montage financier inédit. Montage qui révèle le niveau de complicité entre Mohamed Boudrika -un richissime promoteur immobilier qui a su se hisser à la tête du club le plus populaire du Maroc (le Raja de Casablanca en l’occurrence) avant de devenir vice-président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF)- et Fouzi Lekjaa, haut fonctionnaire du ministère des Finances propulsé président de la FRMF en sa qualité de président du club de la Renaissance sportive de Berkane (RSB). Il s'agit donc des deux principaux managers du sport roi qui se retrouvent mêlés à la transaction la plus sulfureuse du mercato 2014-2015…

Trois présidents pour un joueur

Le 10 septembre, Al Mountakhab, publication spécialisée dans le football, annonce le transfert de Abdelhadi Halhoul, milieu de terrain du Moghreb de Fès, vers le club de Berkane (RSB). Montant du transfert: un petit million de dirhams. Mais la transaction va faire couler beaucoup d’encre quand la presse nationale révélera, preuve à l’appui, que le million de dirhams avait été versé par deux parties distinctes. Le club de Berkane a déboursé 700.000 dirhams alors qu’une société du nom de Green Perles a signé un autre chèque pour le complément de 300.000 dirhams. Il s’agit d’une société appartenant à Mohamed Boudrika, le président du Raja club, qui aurait été lui-même intéressé d’avoir ce joueur dans son effectif… Les journalistes sportifs se posent alors légitimement la question: Pourquoi Boudrika fait-il un tel cadeau à un club concurrent ?

Les non-dits de Boudrika

"C’est mon argent, j’en fais ce que je veux !", ainsi a répondu Boudrika à nos confrères d'Annass qui, dans leur livraison du 17 septembre, consacrent un article à cette affaire. Ce que ne dit pas en revanche Mohamed Boudrika, c’est qu’il ne détient que 50% de Green Perles. L’autre moitié de cette société créée en juin dernier appartient à son premier vice-président au Raja, un certain Adil Bamaarouf. "C’est un autre entrepreneur immobilier qui est arrivé au Raja dans les bagages de Boudrika", nous explique un vieux routier du club vert. Pis encore, cette SARL nouvellement immatriculée au registre de commerce du Tribunal de Casablanca a un capital social de 10.000 dirhams seulement, soit le minimum requis pour ce type d'entreprise. Pourquoi alors débourser 30 fois son capital pour contribuer à financer l’acquisition d’un joueur par un club que l'on ne sponsorise même pas? Mohamed Boudrika, contacté par Le360, est resté injoignable pour répondre, entre autres, à cette question. Dans les colonnes d’Annass, par la voie d’une "source proche de lui", il assure que "les 300.000 dirhams étaient juste un prêt qui a été remboursé", sans apporter pour autant la preuve que ce fût effectivement le cas. Le fait que Berkane soit présidé par le big boss de la fédération expliquerait-il une telle générosité de l’entrepreneur immobilier, passé des gradins de la "magana" au fauteuil de la tribune d’honneur du Raja? Aurait-il fait de même pour un autre club qui ne pèse rien dans la "mappe-politique" du football national?

La fédé se dédouane

Au sein de la FRMF, on essaie de minimiser ce scandale. "Le président Lekjaa n’a rien à voir avec cette transaction. Il est juste président d’honneur de Berkane et ne gère pas l’opérationnel", nous explique une source autorisée au sein de la fédération royale. Dans le milieu footballistique, pourtant, personne n’est dupe. "Mais bien sûr que c’est lui le boss de la Renaissance de Berkane. Rien ne se fait sans son aval. D’ailleurs, peu de monde connaît le président exécutif de ce club", assure un ancien cadre national qui a pris ses distances avec le bureau fédéral. Une autre source nous assure que ce n’est pas la première fois que Boudrika sert les intérêts du club de Lekjaa: "Un coach rajaoui connu sur la scène a été approché par Boudrika pour essayer de le convaincre d'entraîner le club de Berkane", nous assure-t-elle. Pas étonnant, quand on connaît le rôle actif joué par Boudrika dans le long feuilleton qui a abouti à l’élection de Fouzi Lekjaa à la tête de la FRMF… Un Fouzi Lekjaa qui, il faut le rappeler, est directeur de budget au sein du ministère des Finances et qui donc ne peut se permettre une gestion financière peu orthodoxe, quand bien même ce serait pour un club de football!

Par Fahd Iraqi
Le 17/09/2014 à 18h31