Djamel Belmadi, le seul "B" qui enthousiasme les Algériens

Djamel Belmadi.

Djamel Belmadi. . DR

"Le seul B que nous voulons et réclamons, c'est Belmadi!": plongée dans un mouvement de contestation politique inédit depuis fin février, l'Algérie s'est trouvé cet été un nouveau héros avec le sélectionneur des "Fennecs", artisan majeur du remarquable parcours de son équipe à la CAN-2019.

Le 14/07/2019 à 08h21

Alors que le "hirak" (mouvement) réclame toujours le départ des "2B" restants -- le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui -- Djamel Belmadi est la seule personnalité d'envergure qui semble échapper à ce "dégagisme" patronymique ayant déjà touché deux anciens dignitaires du régime.

Dans un pays passionné par le sport-roi, qui vit depuis plusieurs mois au rythme de manifestations truffées de métaphores footballistiques, comment aurait-il pu en être autrement?

Averti jeudi de l'explosion de sa cote de popularité après la qualification en demi-finale de la CAN, une première depuis 2010, le sélectionneur algérien a joué l'ingénu -- "J'ai entendu que j'étais apparemment le plan B ou le plan C" -- sans vouloir en dire plus.

"Le football est important pour nous. C'est le sport N.1, il est vecteur d'énormément de choses, cela nous réunit tous", s'est-il simplement félicité samedi en conférence de presse, pour commenter le soutien des millions de supporters algériens à travers le monde avant le choc contre le Nigeria.

Meneur d'hommes, tacticien "guardiolesque", communiquant avisé... Arrivé avec l'étiquette de choix par défaut pour remplacer la légende Rabah Madjer en août 2018, l'ancien international (20 sélections) croule sous les compliments depuis la renaissance inattendue des "Fennecs" en compétition internationale.

Et pour cause, depuis l'épopée des hommes de Vahid Halilhodzic au Mondial-2014 (défaite en 8e de finale contre l'Allemagne, future championne) et le mandat prometteur mais inachevé de Christian Gourcuff (2014-2016), les Verts ont connu une longue descente aux enfers: cinq coaches en l'espace de deux ans, une élimination au 1er tour de la CAN-2017 et des qualifications catastrophiques pour le Mondial-2018.

Même Gernot Rohr, le coach du Nigeria qui avait balayé 3-1 les "Fennecs" en novembre 2016 dans la course pour la Russie, a remarqué la transformation en saluant le "travail très professionnel" de son futur adversaire.

"On les avait vu fragiles à l'époque, ils avaient fait beaucoup de fautes individuelles, défensives, qui nous avaient facilité la victoire. Là, je vois une équipe solide (...) qui a progressé tactiquement", a-t-il observé.

"L'une de mes ambitions lors de mon arrivée était de placer l'Algérie dans le gotha des grandes équipes africaines. Donc rejoindre trois mondialistes (Sénégal, Tunisie, Nigeria) en demi-finale, je trouve ça vraiment pas mal. Le mérite en revient aux joueurs", a savouré Belmadi, après la victoire contre la Côte d'Ivoire (1-1, 4-3 t.a.b.).

D'où vient le secret de sa réussite? Dans un effectif longtemps dominé par les binationaux, le natif de Champigny-sur-Marne (43 ans), lui-même Franco-Algérien, a d'abord intégré une nouvelle vague de talents "locaux", préférant par exemple Youcef Belaïli (ES Tunis) à la star Yacine Brahimi (Porto). Un choix fort.

Belmadi est surtout arrivé en Algérie avec une solide expérience du haut niveau, après un début de carrière d'entraîneur prometteur au Qatar, où il a gagné plusieurs titres, en club avec Lekhwiya (2010-2012) et Al-Duhail (2015-2018) ou avec la sélection (2014-2015).

"On apprend toujours avec lui, il est toujours là, derrière, pour nous pousser à nous surpasser. Il nous a fait progresser dans plusieurs aspects, sur le mental, la cohésion de groupe, ou l'hygiène de vie aussi au quotidien", témoigne le milieu Mehdi Abeid.

"Djamel est quelqu'un de discipliné, qui aime l'ordre et l'engagement chez ses joueurs. Il sait comment mener un match correctement, préparer son équipe sur le plan psychologique et piquer ses joueurs pour obtenir le meilleur d'eux", renchérit auprès de l'AFP Fareed Mahboub, dans l'encadrement de la sélection qatarie sous Belmadi.

De l'inspection de la pelouse à la veille d'une rencontre, aux déclarations ciselées devant les médias, sans oublier le revisionnage vidéo d'après-match, "Djamel accorde beaucoup d'attention aux détails", se rappelle son ancien collègue.

"Cela ne coûte rien d'être ambitieux, d'avoir des objectifs, même s'ils sont très élevés, même s'ils paraissent impossibles", a clamé Belmadi durant la compétition. Comme un résumé parfait des nouveaux rêves algériens.

Le 14/07/2019 à 08h21