Une minute

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L'écrivain Fouad Laroui, prix Jean Giono 2014 pour son roman "Les tribulations du dernier Sijilmassi", signe une chronique hebdomadaire pour Le360. Après une première chronique sur l'attaque contre Charlie Hebdo, Fouad Laroui nous plonge dans le silence qui lui a succédé.

Le 15/01/2015 à 13h14

Après ce qui s’est passé à Paris la semaine dernière, on a observé, ici et là, des minutes de silence pour se recueillir sur la mémoire des victimes. C’est toujours impressionnant, une minute de silence. Les visages se figent, les mâchoires se crispent, parfois une larme perle au bord d’une paupière.

En regardant ces scènes partout recommencées, on avait parfois envie de rompre ce silence pesant.

Une minute de silence?

Non. Si on faisait l’inverse ?

Si on organisait partout des minutes saturées de cris, de bruit, de décibels pour noyer la propagande de la haine ? Un tollé général contre le fanatisme ?

Une minute pour huer ceux qui s’improvisent penseurs, se hissent sur les estrades et ne font que répéter de vieilles lunes réfutées depuis longtemps.

Une minute d’imprécations contre ceux qui attisent les rancœurs. Un tollé général contre les mauvais maîtres et ceux qui n’enseignent que le néant.

Une minute de gémissement devant les bouts de trottoir où des gerbes de fleurs tentent de cacher le sang des victimes.

Une minute de lamentations, fussent-elles dans le désert, parce qu’il faut se faire entendre, fût-ce de soi-même, pour ne pas soi-même céder à la haine.

Il y a des jours où ceux qui doivent faire silence, ce sont les autres : ceux qui nient la liberté de penser, la liberté de conscience, la liberté d’expression.Taisez-vous ! À vous de tenir vos langues de vipères, vos langues trompeuses, vos langues démoniaques.

Taisez-vous ! Et que votre minute de silence puisse durer des siècles…

Par Fouad Laroui
Le 15/01/2015 à 13h14