Prison Stories. Ep4. «Moi, Safae, je me suis dénoncée et j’ai écopé de 6 ans de prison»

Le 15/04/2023 à 21h03

VidéoUn épisode assez particulier que celui que nous consacrons à Safae. Cette jeune femme, employée dans un établissement public, a dénoncé des détournements dont elle était complice et a écopé de 6 ans de prison ferme. Voici son histoire.

Safae est âgée aujourd’hui de 28 ans et elle a passé 5 ans et 5 mois derrière les barreaux, loin de ses deux enfants et de sa famille. Son paternel a même rendu l’âme sans qu’elle puisse se recueillir sur sa tombe.

Safae a vu le jour dans une famille très modeste. Son père travaillait dans une mine et gagnait un salaire mensuel de 1.200 dirhams. La moitié était réservée au loyer, tandis que sa mère gérait le reste pour nourrir tout le monde. «Nous menions une vie très simple mais nous étions heureux. Mon père disait toujours qu’il y avait plus important que l’argent dans la vie», nous confie Safae.

Son baccalauréat en poche, malgré ses bonnes notes, elle n’a pas la bourse et ne bénéficie pas d’une position à la cité universitaire, ce qui pèsera davantage sur les maigres finances de son père, qui était sur le point de prendre sa retraite. Elle opte alors pour un institut de technologie appliquée (ITA), qu’elle quitte major de promotion.

Trouver un poste dans un établissement public a été très évident pour la jeune femme. Six mois après son embauche, elle se marie. «Une autre responsabilité et je me retrouve avec un premier enfant. Mais j’ai découvert le vrai visage de mon mari. Pour lui, je n’étais autre qu’un investissement», raconte la détenue. Enceinte d’une fillette, elle demande et obtient le divorce pour se concentrer sur l’éducation de ses enfants.

Au travail, les collègues ne se gênent pas pour se servir dans les caisses de l’entreprise. Avec la bénédiction et la complicité de Safae, qui croulait sous les charges: des enfants à scolariser et une famille à aider financièrement. Ses collègues l’inondent de cadeaux, et pour eux, il n’y a aucun problème insolvable. «J’ai été payée pour me taire, mais je n’étais pas heureuse. Cela me donnait des insomnies», ajoute Safae, qui dit ne pas regretter de s’être dénoncée et d’avoir dénoncé ses collègues.

Après avoir demandé l’avis de son père, elle part voir la police judiciaire pour tout déballer. «Je ne regrette rien, mais ma déposition a aggravé mon cas», souligne la jeune femme. Après 18 mois de détention préventive, elle est condamnée à cinq ans de prison ferme, peine aggravée en appel avec un an de plus derrière les barreaux. Aujourd’hui, elle a purgé 5 ans et 5 mois.

«Je rêve d’aller me recueillir sur la tombe de mon père et de serrer mes enfants dans mes bras. Je ne les ai jamais vus pendant ma détention», espère Safae. Elle parle au téléphone avec ses deux enfants, mais pour eux, leur mère se trouve dans un pays européen et reviendra avec plein de cadeaux.

Safae va aussi quitter la prison avec plus de diplômes. Studieuse comme elle l’a toujours été, elle n’a pas perdu de temps lors de ses années d’incarcération.

Par Hafida Ouajmane et Said Bouchrit
Le 15/04/2023 à 21h03