Marrakech: ces deux roues qui nuisent à l'attractivité de la médina

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Dans la médina de Marrakech, la présence de plus en plus marquée des deux roues prend des proportions inquiétantes. A Jamaa El Fna, l’expérience dépaysante qu’est censée procurer une balade sur la place piétonne se voit ternie par le défilé de scooters et mobylettes. Des militants associatifs réclament la mise en place de pistes cyclables.

Le 26/04/2022 à 20h09

Envisager sereinement une balade à pied sur la place Jamaa El Fna relève désormais du vrai défi. Certes, le déploiement massif de policiers sur la grande place piétonne, aussi bien en civil qu’en uniforme, se veut rassurant contre la présence de voleurs à la tire, de faux guides et autres charlatans de tout poil. Mais à l’origine du malaise ambiant, palpable, non seulement chez les touristes, mais aussi, auprès des commerçants, et habitants des quartiers de la vieille médina: la présence de plus en plus marquée des deux-roues.

Autorisés à circuler librement partout (sur les trottoirs, rues pavées…), les conducteurs de scooter, mobylettes, et motos débridées investissent la voie publique sans limitation de vitesse. «C’est particulièrement gênant parce qu’on ne se balade pas l’esprit tranquille», confie un touriste en décrivant son malaise. Pour d’autres habitués de la destination, cela fait partie du chaos généralisé qui confère, à leur yeux, le charme de la Marrakech! Mais le charme irrésistible de la ville intra-muros se transforme en un véritable calvaire au fur et à mesure que les touristes s’engagent dans ses ruelles étroites. Car, même dans des passages étroits (1,5 mètre de large), l’incivisme bat son plein, avec des usagers qui roulent à toute vitesse. C’est le cas en particulier des conducteurs des bécanes chinoises, désignées communément par les marrakchis sous le sigle «C90», responsables en grande partie de plusieurs décès tragiques tous les mois.

Ainsi, l’expérience dépaysante qu’est censée procurer une balade sur la place Jamaâ El Fna se voit ternie par le défilé de scooters et mobylettes, qui slaloment entre les cercles de Halqa, et deviennent de fait, une attraction à part entière. Pourtant les parkings qui offrent la possibilité de stationner ses deux roues non loin de la place Jamaâ El Fna, ne manquent pas. «Les Marrakchis ont un attachement particulier à la moto comme mode de transport. Il faut trouver une solution mais qui n'exclut pas la possibilité de sillonner la médina», avance en guise d’alternative Mustapha Makoudi, acteur associatif au sein de la place Jamaâ El Fna. De concert, les responsables associatifs de la place réclament aux autorités la mise en œuvre des pistes cyclables. Autrement dit, des voies réservées aux deux-roues leur permettant de rouler en toute sécurité, et surtout loin des passants.

Au danger permanent sur la circulation piétonne, s’ajoute l’impact environnemental causé, d’une part par les émissions polluantes, et de l’autre, par les nuisances sonores. En effet, la plupart des motos génère un bruit ambiant qui dépasse les 80 décibels. Beaucoup d'entre elles disposent d'un pot d’échappement trafiqué, qui confère à la moto un bruit assourdissant, désagréable. Il convient de rappeler que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé placent le seuil du bruit issu de la circulation routière à 53 décibels le jour et 40 décibels la nuit. Au-delà de ces niveaux d’exposition, la pollution sonore peut être à l’origine d’effets nocifs sur la santé (trouble cardiovasculaire, impact sur le développement cognitif des enfants…).

Ceci dit, le respect du code de la route n’échappe pas à la vigilance des effectifs de police. Une vaste opération de contrôle se poursuit depuis des mois sur les grandes artères de la ville au profit des usagers des deux roues pour veiller au respect du port de casque. A en croire les données de la NARSA, «alors que les motards représentent à peine 2% de l’ensemble du trafic routier, ils sont impliqués dans 44 % des accidents sévères… Et près de 21 % des morts sur la route sont d’ailleurs des usagers de deux-roues».

Par Ayoub Ibnoulfassih
Le 26/04/2022 à 20h09