Mon ami et confrère Philippe Jaenada -nous avons le même éditeur- vient de publier un livre qui est le résultat d’une longue enquête et qui fait froid dans le dos.
Le long de deux cents cinquante pages d’une investigation minutieuse, Philippe démontre qu’un certain Alain Laprie, homme tranquille, sans histoires, croupit depuis des années en prison, en France, pour un crime qu’il n’a pas commis.
L’homme a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle en 2020, accusé du meurtre de sa tante. Ce crime, commis le 27 mars 2004 -seize ans plus tôt…-, il l’a toujours nié. Et pour cause: il n’y est pour rien.
Non seulement Philippe prouve cela, mais il fait mieux: il indique qui est le vrai meurtrier, quelles étaient ses motivations, qui étaient ses complices. Parallèlement, il dénonce l’enquête de la gendarmerie: elle fut essentiellement menée à charge. On peut parler d’une véritable obsession de l’enquêteur principal. Coïncidence: le vrai coupable était le beau-frère et l’ami d’un autre gendarme… Intouchable, donc.
Philippe a pu consulter le dossier d’instruction. Il raconte: «À chaque page, mes yeux s’agrandissaient. Je me disais « ce n’est pas possible! ». Comment peut-on décider de couper un homme de sa famille et de ses amis, de le priver de sa liberté, comment peut-on lui ôter la plupart des années qui lui restent à vivre en s’appuyant sur de telles inepties, de telles manœuvres?»
L’accusé était le neveu préféré de la victime. «Ma tante je l’aimais, j’étais chez elle deux ou trois fois par semaine. Dès qu’elle avait un problème, c’est moi qu’elle appelait». Mais voilà, des années après les faits, un oncle, intéressé par l’héritage, accuse son neveu, Alain Laprie donc, de lui avoir confié avoir commis le crime -on se demande ce qui l’aurait poussé à faire des aveux à un papy cupide et méchant, avec qui il ne s’entendait pas et qui était brouillé à mort, c’est le cas de dire, avec sa sœur, la victime… Ce pseudo-témoignage de l’oncle -entretemps décédé- est tout ce qu’il y a dans le dossier. Il n’y a rien d’autre. Aucun élément matériel, aucun témoin, aucun aveu!
Très logiquement, Alain Laprie est acquitté en première instance. Mais le ministère public fait appel. En février 2020, d’autres jurés condamnent en appel Alain Laprie à 15 ans de réclusion criminelle. L’enquête ayant été menée entièrement à charge, les jurés -ou une majorité d’entre eux- sont convaincus que, puisqu’il y a forcément un meurtrier et qu’il n’y a qu’un seul accusé, l’un est l’autre. Faux, démontre l’enquête menée par Philippe Jaenada. Je vous passe les détails: un incendie allumé sur les lieux du crime à une heure qui innocente l’accusé; aucune expertise ADN réalisée sur un mégot de cigarette retrouvé à proximité du corps de la victime, alors que ni elle ni Alain Laprie ne fumaient; un mobile qui n’en est pas un; etc.
Et voilà comment un innocent croupit en prison dans la patrie de Voltaire, de Hugo, de Zola.
En 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté rapidement et sans aucune motivation le recours déposé par son avocat. Il n’y a plus rien à faire -à moins d’une grâce présidentielle.
Maintenant, vous vous demandez peut-être pourquoi je vous parle de ce cas, certes malheureux, mais qui ne nous regarde pas, nous autres Marocains. Je le fais pour une raison précise. La presse européenne, les politiques, les juristes, les ONG, le Parlement de Strasbourg ne cessent de braquer leur longue-vue sur nous, traquant nos défauts -nous en avons, nos manquements -nous en commettons, nos dénis de justice -bien réels, parfois, etc. Pourquoi pas? Mais pourquoi ne faisons-nous pas de même?
Je propose donc de mener une campagne «Justice pour Alain Laprie», de Tanger à Lagouira, d’Oujda à Tan Tan. Bombardons de missives et de messages ces gens qui s’indignent à date fixe de ce que nous sommes, de ce que nous faisons.
Quant à notre excellent ambassadeur auprès des institutions européennes, je lui propose de commander exactement 705 exemplaires du livre de Philippe -Sans preuve & sans aveu, Mialet-Barrault Éditeurs- et de les envoyer aux 705 membres du Parlement européen (1, Avenue du Président Schuman, F-67070 Strasbourg). Mesdames, messieurs, vous qui vous indignez de ce qui se passe à trois mille kilomètres de chez vous, qu’allez-vous faire pour cet innocent injustement condamné et qui meurt à petit feu, pas très loin de votre confortable fauteuil?
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