Exclusif. Révélations chiffrées sur la lutte antiterroriste

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Alors que le royaume fait face à une menace terroriste, la stratégie marocaine de lutte antiterroriste polarise l’attention internationale. Un véritable cas d’école en matière d’anticipation du risque, d’adaptation à son évolution et de réactivité à toute épreuve. Les chiffres sont éloquents.

Le 30/10/2014 à 10h40

Les nouvelles qui tombent sur le fil de l’actualité sont édifiantes: Le Maroc est sollicité par l’ONU pour exposer sa stratégie de lutte antiterroriste, en tant que pays loué par les Etats-Unis pour son «leadership régional» dans le combat anti-Aqmi et distingué par l’Espagne pour sa «coopération exemplaire» … Aux dernières nouvelles, le Maroc est approché par les Emirats arabes unis pour un «soutien actif» aussi bien sur le plan militaire que sur celui du renseignement. Une véritable projection de puissance qui met le royaume aux premières lignes de cette «guerre totale» contre cette hydre à multiples têtes qu’est Daach. Le plan «Hadar» (vigilance), lancé cette semaine pour protéger les sites sensibles du royaume contre le risque bien réel d’une attaque terroriste, constitue un pas nouveau en matère de prévention. Nombre de citoyens ont été surpris de voir –pour la première fois– des soldats faire des rondes dans des espaces publics, fusil automatique en bandoulière. Cette initiative inédite prouve que la menace terroriste est bien réelle. Cette menace nécessite un éclairage sur une décennie de lutte acharnée contre le terrorisme. Lutte qui a atteint son point culminant avec l’envoi de soldats marocains aux Emirats Arabes Unis. En dépit des précautions rhétoriques des officiels, la décision d’envoi de troupes aux EAU sonne comme une déclaration de guerre du Maroc à Daach.

Lutte antiterroriste, la preuve par les chiffres

Nous sommes en mai 2002, huit mois après les attentats terroristes ayant visé le World Trade Center à New York. L’Occident évite de justesse une deuxième tragédie grâce à de très précieuses informations fournies par les services marocains à leurs homologues européens sur le projet d’Al Qaïda de s’attaquer à la flotte navale de l’OTAN dans le Détroit de Gibraltar. Un coup d’éclat qui a permis au royaume de gagner davantage d’estime auprès de ses partenaires européens mais, par effet de retour, de s'attirer aussi la haine d’Al Qaïda, à l’origine des crapuleux attentats terroristes ayant secoué, en ce tristement célèbre 16 mai 2003, la métropole casablancaise. Mais voilà, à toute chose malheur est bon. Depuis ce 16 mai de sinistre mémoire, les services fournissent un effort herculéen ayant permis de neutraliser pas moins de 126 structures terroristes, dont 41 liées aux différents foyers de tension, notamment l’Irak, la Syrie et le Sahel, sur fond d’arrestations de 2676 terroristes, dont 226 récidivistes.

L’anticipation, l’arme de dissuasion massive 

Le démantèlement de ces structures, avec ce que cela implique en termes d’arrestations, a permis au royaume d’éviter l’irréparable: 276 attentats, dont 119 à l’explosif, 119 projets d’assassinats des éléments des services de sécurité, de Marocains de confession juive, de commis d’Etat, de personnalités politiques et étrangères, de touristes, en plus de 7 projets d’enlèvements et 41 vols et attaques à main armée. A cet effet, un impressionnant stock d’armes a été saisi, allant des fusils Kalachnikov, fusils mitrailleurs de marque «UZI», et autres pistolets, à des obus de mortier 81 MM et aérosols de défense, en passant par les munitions. Un impressionnant arsenal de guerre!

Alerte sur le magnétisme de Daach

Depuis 2011, qui marque le déclenchement de la révolte anti-Bachar Al Assad, la Syrie suscite un flux ininterrompu de jihadistes de par le monde, notamment à partir du Maroc, où il a été permis de recenser 1.214 Marocains ayant rallié «l’Etat islamique», dont 217 ex-détenus islamistes et plus de 262 ayant péri dans les combats ou dans des opérations kamikazes (226 en Syrie et 36 en Irak). 146 ont, par ailleurs, regagné le royaume, alors que plus de 500 candidats scrutent vainement l’opportunité d’aller grossir les rangs de Daach, compte tenu du tour de vis sécuritaire déployé autour des agents recruteurs et autres rabatteurs locaux. Pendant ce temps, les services de sécurité se sont lancés sur les traces des bi-nationaux, notamment ceux ayant réussi à rallier la Syrie à partir de leurs pays d’accueil, dont la Belgique (360), la France (52), les Pays-Bas (37), l’Espagne (13), l’Allemagne (6), le Royaume-Uni (3), l’Italie (1) et la Grèce (1).

Sur les traces de «Harakat Cham Al Islam»

Les combattants marocains de Daach sont, pour la plupart, enrôlés au sein de la phalange dite «Harakat Cham Al Islam» (fondée par l’ex-détenu de Guantanamo Brahim Benchekroun, abattu le 2 avril par l’armée syrienne), épaulé par son compatriote Mohamed El Mehdi Khallou (ancien militaire et ex-détenu islamiste). C’est ce dernier (Mohamed El Mehdi Khallou) qui a pris les commandes de Harakat Cham Al Islam. Le360 révèle pour la première fois le nom du successeur de Brahim Benchekroun. Les deux cofondateurs de cette phalange ont bâti leur stratégie sur la qualification militaire de leurs compatriotes en perspective de leur redéploiement dans le royaume dans le cadre d’un projet terroriste d’envergure, en association avec l’ex-lieutenant d’Oussama Ben Laden, l’Afghan d’origine algérienne «Abou Abdellah», et le Libyen Abdelbasset Azzouz dont l’apport vise à faciliter le rapatriement des Marocains de Daach, via la Libye et l’Algérie. Une problématique qui constitue un défi majeur pour les services nationaux, d’autant plus que ces combattants montrent un goût prononcé pour les opérations kamikazes. La projection des services hors des frontières nationaux tient également là. Aller combattre le terrorisme là où il se nourrit et se développe est la nouvelle stratégie, décidée par le Maroc. Cette décision peut se révéler gagnante, mais prouve, si besoin en était, que la menace de frappes terroristes pèse lourdement sur le royaume.

Par Ziad Alami
Le 30/10/2014 à 10h40