A moins d'un mois de l'ouverture de la dernière année législative, qui s'annonce d’ailleurs chargée, une vague affaire de nominations a menacé le Parlement d'un miniblocage. Le président de la première Chambre, Habib El Malki, a été mis dos au mur par la plupart des groupes parlementaires. Ces derniers exigeaient des explications que le président a d'ailleurs accepté de fournir lors d'une réunion du bureau de la Chambre qui devait se tenir le 31 août, mais qui a été reportée au 7 septembre. La réunion a finalement eu lieu et Habib El Malki a pu éviter ce blocage en promettant un amendement du règlement intérieur pour éviter ce genre de situation à l'avenir, rapporte l'hebdomadaire La Vie éco dans son édition du 11 septembre. Incident clos.
L'affaire aura néanmoins suscité une polémique qui a duré depuis la publication au B.O, début août, des décrets de nominations à l’ANRE de trois membres de l’USFP et trois autres membres du PAM sur proposition des présidents des deux Chambres. Mais, s'interroge l'hebdomadaire, et s'il s’agissait d’un faux débat? Car, relève la Vie éco, malgré les différentes mises en garde et les plaidoyers des professionnels du secteur, personne parmi les parlementaires qui contestent aujourd'hui ces nominations, ne s'est jamais demandé pourquoi l’ANRE, qui est le régulateur d'un secteur stratégique, est restée inactive pendant quatre ans.
L’ANRE n'est d'ailleurs pas un cas isolé, note l'hebdomadaire. Plusieurs autres instances sont restées pratiquement lettres mortes. Les textes portant leur création qui, pour certains ont suscité une vive polémique au Parlement, ont été promulgués il y a plusieurs années, jusqu'à quatre ans dans certains cas, et personne au sein de l'hémicycle ne s'est demandé les raisons de ce retard. Cela, sachant que certaines sont attendues depuis la promulgation de la nouvelle Constitution, il y a 9 ans. Les cas sont multiples. On pourrait citer, à titre d’exemple, le Conseil consultatif de la famille et de l’enfance, instauré par la loi 78-14 promulguée en août 2016 et l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination créée aux termes de la loi 79-14 (promulguée en octobre 2017).
C’est le cas également du Conseil consultatif pour la jeunesse et l'action associative qui a été créé en vertu de la loi n° 89-15 du 2 janvier 2018 et du Conseil national des langues et de la culture marocaine (loi organique 04-16 promulguée en avril dernier). D'autres instances, à l'instar du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, n'ont pas encore vu le jour sous leur nouvelle forme. A l'heure actuelle, la loi organique prévue par l'article 163 de la Constitution n'a même pas encore été élaborée.
L'hebdomadaire note au passage que les quatre instances qui ont déjà vu le jour représentent un potentiel d’au moins une cinquantaine de postes auxquels le chef du gouvernement et les présidents des deux Chambres peuvent nommer qui ils veulent. Cela sans exigence de critères précis de compétences chez les candidats choisis parmi les parlementaires, les syndicalistes, les membres des partis et les acteurs de la société civile. Là encore, La Vie Eco soulève une autre question. Pourquoi, s'interroge l’hebdomadaire, ces mêmes parlementaires ne se sont jamais demandés pourquoi une pratique, a priori contraire à la Constitution, est en train de devenir, avec le temps, une coutume constitutionnelle?
En effet, comme le note un constitutionnaliste cité par l’hebdomadaire, ce genre de nomination constitue une infraction à la Constitution. Les partis membres de la majorité gouvernementale se sont en effet octroyés, depuis 2012, le droit de privilégier leurs membres lors des nominations aux postes à responsabilité. Ce qui constitue une sorte de favoritisme sur la base de l'appartenance politique qui bénéficie à certains Marocains et une discrimination envers d’autres Marocains qui ne sont pas membres de partis.