Droit de pétition: pourquoi cela ne marche pas?
Par Amyne Asmlal le 04/12/2020 à 20h03
Kiosque360. Presque une décennie après l’instauration de ce droit et quatre ans après la mise en place du cadre juridique de son exercice, seules deux pétitions respectant les procédures ont été initiées.
Cela fait près de dix ans que le droit de pétition est un acquis pour les Marocains. C’est même l’une des nouveautés les plus saluées de la Constitution de 2011. Depuis quatre ans, soit après la promulgation, en 2016, des deux lois organiques 44-14 et 64-14, c’est désormais une pratique juridiquement encadrée. Sauf que depuis cette date, seules deux pétitions ont pu être élaborées selon les normes. L’une a été approuvée alors que l’autre est toujours en cours. Ce qui est très peu, commente l’hebdomadaire La Vie éco dans son édition du vendredi 4 décembre.
D’après l’hebdomadaire, beaucoup de facteurs rendent l’exercice du droit de pétition encore très difficile. Il y a d’abord la difficulté que posent les procédures, notamment la question des signatures dont le nombre est considéré comme excessif. La mandataire de la pétition actuellement en cours, Ouafa Hajji, membre du bureau politique de l’USFP, a d’ailleurs relevé, à ce sujet, qu’il est nécessaire de les simplifier. Et ce, afin de parvenir à une démocratie participative et à une meilleure participation des citoyens aux mouvements de militantisme pacifique.
L’autre difficulté, poursuit l’hebdomadaire, est liée à la formation et à la compétence des initiateurs de la pétition. En effet, sur sept pétitions, cinq ont été rejetées car elles ne respectaient pas les conditions élémentaires d’éligibilité précisées par la loi. Un effort de formation et d’encadrement doit donc être fait à ce niveau, note l’hebdomadaire. La Vie éco a rappelé que dans le cas de «la pétition pour la vie» qui a été approuvée par le gouvernement en août dernier, la commission de la pétition est formée principalement de professeurs universitaires avec une connaissance avérée de la pratique parlementaire.
Dans le deuxième cas, c’est-à-dire la pétition «parité», c’est un collectif d’ONG qui est derrière l’initiative dont la mandataire n’est autre que la présidente de l’Internationale socialiste des femmes (ISF). Ce qui n’est pas peu. Cette pétition, précise l’hebdomadaire, a été adressée au président de la première Chambre alors que la première a été soumise au chef du gouvernement.
Mais dans les deux cas, il s’agit de pétitions présentées aux pouvoirs publics et non pas de motions de nature législative qui requiert, entre autres conditions, la collecte de pas moins de 25.000 signatures de citoyens inscrits sur les listes électorales. Dans les deux cas, les initiateurs de la pétition ont dûment préparé un dossier spécial, avec à l’appui des arguments à la fois juridiques et techniques. Une telle capacité d’organisation n’est pas donnée à tout le monde.
En plus du manque de compétences, le manque de communication est également présenté comme un facteur rédhibitoire. Il semble, note l’hebdomadaire, que la campagne menée par l’ancien ministre de la Communication, l’islamiste Mustapha El Khalfi et les efforts déployés par les cadres de ce département n’ont pas porté leurs fruits. Ou pas encore. A moins que l’objectif ne soit autre que la sensibilisation et la communication autour du droit de pétition.
Le manque d’accès à l’information parlementaire, malgré la promulgation de la loi relative au droit d’accès à l’information et les efforts déployés par les deux Chambres pour une plus grande transparence, peut être également considéré comme un facteur handicapant. Encore une fois, ce sont les réseaux sociaux qui ont joué un rôle important dans la sensibilisation et la communication autour de l’initiative.
Dans le deuxième cas, les initiateurs de la pétition s’appuient sur un réseau associatif, Collectif «Parité maintenant», très actif dans le domaine. Dans le futur, il semble que ces écueils seront levés. C’est en tout cas l’objet de deux propositions de lois organiques présentées dernièrement par la commission des pétitions.