Alors que la guerre commerciale lancée par l’administration Trump continue de désorganiser les flux maritimes mondiaux, les conséquences se font déjà sentir sur les chaînes logistiques.
Si les grandes puissances cherchent encore à ajuster leurs routes et stratégies, le Royaume du Maroc, lui, saisit cette conjoncture pour renforcer sa position sur l’échiquier maritime mondial.
Dans un entretien accordé au magazine Challenge, Najib Cherfaoui, expert en ingénierie portuaire, décrypte.
Depuis la mise en œuvre de nouveaux droits de douane par les États-Unis, les échanges internationaux, en particulier le transport maritime par conteneurs, subissent une pression croissante.
«Le secteur est confronté à diverses conséquences directes et indirectes des nouveaux droits de douane américains. L’impact se fait déjà sentir sur la chaîne d’approvisionnement», a expliqué Najib Cherfaoui.
Comparé à avril 2024, le trafic maritime en provenance de la Chine via l’océan Pacifique a chuté de 30 à 40 %, une baisse significative.
Si cette perturbation peut rappeler certains épisodes de la crise du Covid-19, l’expert, lui, se veut mesuré.
«Certes inattendue, mais maîtrisable, cette situation ravive le souvenir du traumatisme commercial lié à la pandémie de Covid. Dans le cas actuel, on peut tout au plus affirmer qu’il y a un choc logistique causé par une distorsion brutale du cycle régulant l’offre et la demande», écrit-on.
Malgré la tension, les prix du fret ne s’envolent pas pour l’instant.
«Les tarifs sont stables. L’indice mondial des conteneurs de Drewry, en date du 24 avril 2025, affiche 2 157 dollars par conteneur de 40 pieds», a indiqué Najib Cherfaoui.
Néanmoins, l’immobilisation de nombreux conteneurs en Chine et aux États-Unis crée un climat d’attentisme généralisé, tandis que les armateurs reconfigurent leurs circuits, notamment en cherchant des points de chargement alternatifs en Asie du Sud-Est.
Au-delà des seuls flux commerciaux, c’est toute la logistique des conteneurs qui se retrouve désorganisée.
«La difficulté ne concerne pas les flux d’import-export, mais plutôt les perturbations dans l’affectation des conteneurs», souligne l’ingénieur portuaire.
L’annulation de commandes américaines vers la Chine pousse les compagnies maritimes à réaffecter leurs flottes et à revoir leur plan de navigation global.
Dans ce contexte tendu, le Royaume du Maroc tire son épingle du jeu.
Porté par ses infrastructures portuaires modernes –à l’image de Tanger Med– et sa position géostratégique, le Royaume est en passe de devenir un véritable hub de réorganisation maritime.
«L’impact est transitoire et tout rentrera dans l’ordre. Cela dit, la question se pose à un autre niveau: le Maroc est à nouveau identifié non pas seulement comme une alternative maritime, mais aussi comme un espace-solution à des contingences économiques planétaires», a conclu Najib Cherfaoui.