C'est à travers un parcours ludique et coloré que les quatre artistes qui constituent le collectif "Z'bel Manifesto", Othman Zine, Ghizlane Salhi, Katia Salhi et Saad Alam, dénoncent une société de consommation qui laisse derrière son passage des détritus en tout genre. Bien que l'idée de départ, initiée à l'occasion de la Biennale de Marrakech, colle avec l'actualité de la cité ocre qui connaît un véritable problème de gestion des déchets, on ne peut s'empêcher de voir en cette installation une sorte de protestation contre ce que "nous" consommons, ce que nous utilisons et dont nous usons.
Labyrinthe de déchets
Il aura fallu une douzaine de jours à ces quatre artistes aux caractères bien distincts pour mettre en place cette installation qui se décline à travers quatre pièces, tel un labyrinthe de déchets à la fois impressionnant et admirablement bien transformé. Le voyage au pays des "merveilles" (polluantes) commence par la traversée d'un couloir de bouteilles en plastiques suspendues où l'on se perd agréablement tel un grand enfant jusqu'à découvrir une des trois autres pièces de "Pimp My Garbage". D'un côté, un salon, enfin ce qui y ressemble puisque l'on y retrouve un canapé, une table basse et quelques meubles de fortunes, tous totalement recouverts de déchets en tout genre. Au milieu de cette pièce que les visiteurs criblent des flash de leurs appareils photographiques, une dame confortablement installée et semblant prendre plaisir à lire un magazine qui, on s'en doute, ne tardera pas à aller rejoindre les autres feuilles de journaux et prospectus collés au mur. Une image à la fois moderne qui rappelle quelque part le style pop-art des années 50. On y retrouve, en effet, l'utilisation d'éléments visuels de la culture populaire produits en série et le détournement de son contexte de l'objet isolé, ou combiné avec d'autres.
Derrière une porte de feuilles de plastiques blancs, on plonge dans un univers féérique où les bouteilles usagées se transforment en arbes, les sachets de couleurs deviennent des arc-en-ciel et les oiseaux déploient des ailes de plastiques pour s'envoler vers un ciel immaculé, lui aussi en plastique. La beauté de ce paysage dans lequel le visiteur est immédiatement plongé, laisse rêveur. Une transformation artistique de la matière qui nous renvoie vers une nouvelle dimension chromique et esthétique. Mais la visite ne s'arrête pas là. Last but not least, la dernière pièce, elle, est cachée par de longues feuilles noires qui donneraient presque l'impression de s'engouffrer dans un de ces sachets devenus prohibés mais encore très prisés dans notre société. Et l'on ne croit pas si bien dire, car une fois à l'intérieur, c'est une véritable exposition de déchets qui s'offre à nous. Dans une lumière noire que n'illumine que le blanc de quelques feuilles de papiers usagées, le visiteur - comme dans Alice au pays des merveilles - a l'impression de se transformer à son tour et de rejoindre ces choses que nous avons coutume de jeter sans y penser. Dans la peau d'un déchet, serions-nous tentés de nommer cette pièce qui, comme les autres, évoque un univers ludique tout en gardant le "propre" du propos des artistes. Pour en sortir, il faudra alors retraverser ce couloir lumineusement blanc de bouteilles de plastiques qui vous carresse le visage au passage comme une invitation à rester plus longtemps dans cet univers onirique. Plus qu'une installation, "Pimp My Garbage" se trouve être un espace où c'est plutôt au visiteur et à son imaginaire de s'installer.