La pesanteur et la grâce

Karim Serraj.

ChroniqueSi la vie est une pesanteur, alors l’art en est la grâce. Le 15 avril, on fête la Journée mondiale de l’art et surtout des beaux-arts. C’est le jour de l’embaumement des lourdeurs humaines, du laid qui devient beau et du balourd qui se fait éthéré…

Le 14/04/2024 à 11h03

Je n’attends pas le 15 avril pour penser à l’art et, notamment aux beaux-arts moins visibles dans notre société. L’art nous entoure tous les jours. Même la nuit à travers les toiles magnifiques des rêves. L’homme enchante la vie de créations parfois utilitaires destinées au plus grand nombre, parfois élitistes réservées aux collectionneurs. Admirer un tableau dans une galerie, un bibelot kitch dans un salon particulier, le design d’un téléphone ou d’une voiture dans la rue nous rapproche de l’esthétique et forme notre goût au beau. L’art inspire la créativité, le renouveau et la diversité culturelle pour tous les peuples du monde. Il favorise le partage des connaissances et encourage la curiosité et le dialogue. Autant d’aptitudes que l’art a toujours eues et qu’il aura toujours si nous continuons à soutenir des environnements qui favorisent et protègent les artistes et la liberté artistique. Le développement de l’art contribue à la réalisation d’un monde d’émotions pacifiques.

Notre pays compte environ 60 musées et expositions permanentes répartis sur l’ensemble de son territoire: art moderne ou contemporain, artisanat marocain ou islamique, photographie, histoire sociale et histoire naturelle, bijouterie amazighe, archéologie, télécommunications, ethnographie, mode, sciences, cinéma, philatélie, armée militaire, poupées… De Tanger à Laâyoune, toutes les villes possèdent des lieux de mémoire qui font le bonheur des amateurs d’art.

À cela, il faut ajouter les galeries d’art commerciales dans les grandes villes où il fait toujours bon flâner et découvrir les œuvres de sculpteurs et de peintres contemporains.

Demain, et tous les jours d’après, cette année et les suivantes, sortons pour l’art et la grâce. Adultes, donnons l’exemple à nos enfants et à la jeune génération montante. Aidons-les à développer une sensibilité artistique gracieuse en les confrontant à des œuvres d’artistes marocains et étrangers. Cela doit commencer très tôt dans l’enfance du petit d’homme. Aujourd’hui, bien des Marocains maitrisent mieux l’histoire de l’art de pays occidentaux que celle de notre nation, riche et reconnue par les autres.

Mais en la matière, les parents ne suffisent pas. Ils auront beau dans ce sens avoir un chevalet et des pinceaux à la maison, le père une moustache à la Dali et la mère une admiration pour Chaïbia Talal ou Camille Claudel… L’éclosion de l’esprit spirituel des arts est surtout tributaire de l’éducation nationale et des écoles primaires et secondaires. C’est là que ça se passe et se joue le destin de l’art pour la masse des enfants. Il faut des cours obligatoires d’histoire de l’art, des sorties de classes fréquentes aux musées et galeries, des voyages culturels, des exposés et workshops systématiques sur l’art, des artistes invités dans les classes… L’école publique remplit-elle son rôle pédagogique d’instruction artistique? Non. Pas encore. Pas suffisamment en tous les cas.

L’art, in fine, adoucit les mœurs. Il construit l’individu et lui transmet des valeurs éthiques de vie. L’impact civilisationnel positif qui en découle mérite l’instauration d’une stratégie nationale à long terme.

L’art sauvera le monde, dit un proverbe.

Par Karim Serraj
Le 14/04/2024 à 11h03