Les leçons d’une victoire

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ChroniqueAu-delà de la magie immédiate du jeu, il demeure des enseignements essentiels à tirer de cette victoire dont les effets gagnent à être étendus dans la durée.

Le 10/12/2022 à 11h09

On peut penser ce qu’on veut du football de manière générale, ressortir les expressions sans appel, forgées depuis l’ère antique jusqu’aux temps modernes -«Panem et circenses» et «Opium des peuples»-, disserter pendant des heures sur ses vertus dormitives, ses logiques de marchandisation ou sa fonction d’exutoire…Mais, trêve de rabat-joie !Sans être un aficionado en temps normal, comment rester insensible à cette éblouissante victoire de l’équipe marocaine au Mundial!Au-delà de la magie immédiate du jeu, et quelles que soient les suites des résultats, il demeure des enseignements essentiels à en tirer, dont les effets gagnent à être étendus dans la durée.

D’abord, la confiance en nous-mêmes et en nos potentiels.«Une des clés du succès est la confiance en soi. Une des clés de la confiance en soi est la préparation», disait le tennisman et écrivain américain Arthur Ashe.Oui, les rêves peuvent devenir réalité, pour peu que l’on y mette de l’effort, de la rigueur, de la persévérance, de la volonté; pour peu que l’on bannisse, que ce soit dans les foyers, à l’école, en entreprise ou dans le monde politique, tout discours défaitiste, toute spirale toxique et puiser l’énergie positive bienfaisante, nécessaire pour se surpasser et pour dépasser les barrières mentales.

Walid Regragui a tout résumé par cette expression, enracinée dans notre culture et dans notre croyance: «Dirou Niya!», soit une invocation de l’extraordinaire pouvoir de l’intention et ce qui en découle comme universelle loi de l’attraction.

La victoire du Maroc est aussi, l’éclatante expression d’une communion. La communion entre joueurs, qu’ils soient issus de l’émigration ou du championnat local, tous unis par le même sentiment d'appartenance, sous la direction de leur charismatique et rassembleur chef d’orchestre.La communion entre toutes les composantes de la nation, aux quatre coins du Royaume et en dehors des frontières, grâce à notre riche diaspora qui illustre cette maxime, entendue cette semaine de la bouche d’un proche parent: «On peut sortir le Marocain du Maroc mais on ne peut sortir le Maroc du Marocain».Une évidence élémentaire que ne semble pas comprendre Joan Josep Pallas, rédacteur au journal La Vanguardia, édité à Barcelone, qui ne représente sans doute que lui-même et qui n’en est pas à un propos fielleux près en direction de celui qu’il appelle «le voisin d'en bas»

Souvenons-nous de la récente désignation de «Sélection de l'Onu». «Hakim Ziyech, la star principale, n'est même pas né au Maroc. Il est né à Dronten, une ville des Pays-Bas. Il ne parle pas non plus l'arabe. Il joue avec le Maroc car il se sent plus proche du drapeau de ses parents que du pays où ils se sont installés. "C'est stupide", a récriminé la légende néerlandaise Marco Van Basten, incapable de comprendre pourquoi Ziyech avait choisi le Maroc plutôt que les Pays-Bas.»

Pourtant, ce n’est pas si difficile à comprendre! Chacun reste libre de choisir le pays de son cœur, comme l’ont fait des joueurs portant la nationalité espagnole, à l’instar du Brésilien Diego Costa, du Français Aymeric Laporte, du Bissaoguinéen Ansu Fati, et cætera.La communion est aussi évidemment celle du peuple et de son roi, dont l’une des illustrations est cette scène symbolique de Sa Majesté portant la tenue de la sélection nationale et sortie au milieu de la foule, à Rabat, pour partager la même incommensurable joie.

En dehors des frontières du Royaume cette fois, de voir instantanément toutes ces séquences de liesse à travers le monde, rendues possibles grâce à la magie du Net, on se dit qu’en l’espace de quelques matchs, les Lions de l’Atlas, représentants du Maroc mais aussi de l’Afrique et du monde arabe, ont insufflé l’espoir en réussissant le tour de force de rassembler ce que la politique a éloigné et de révéler l’aspiration des peuples à l’unité, en dépit des divergences manifestées par un certain pouvoir fossilisé, ses canaux médiatiques et ses trolls dissonants.

Par-delà le football, d’aucuns ont vu, dans cette qualification, rien de moins qu’une revanche du Sud sur le Nord, bien que les signes de fraternité aient surgi ici et là, transcendant toutes les barrières et donnant la preuve que le football peut être aussi une formidable leçon de dialogue entre les peuples et les civilisations.

Avec sa plume, trempée dans sa raillerie caustique habituelle, l’écrivain satirique syrien, Kheder Almaghout, a appelé en substance à chasser le Maroc de la Ligue arabe pour avoir violé le sacro-saint principe de défaitisme arabe, hérité de génération en génération dans tous les domaines, de peur qu’il n’obtienne la Coupe du monde, déviant ainsi de la voie toute tracée de l'échec historique arabe.

Quant à l’état d’esprit dans le monde occidental, l’italien Marco Barato, diplômé en droit et spécialiste de l'histoire des relations entre l'Europe et la Méditerranée, a exprimé par ailleurs, dans son article consacré à l'exploit historique de l'équipe nationale du Maroc au Qatar, un point de vue qu’on peut traduire à peu près en ces termes :«La qualification historique du Maroc n'est pas une victoire footballistique, c'est une leçon. C'est un enseignement pour ne pas juger, pour ne pas considérer le monde uniquement d'un point de vue occidentalo-centré, mais réaliser qu'il y a toujours eu un monde interdépendant. C'est à nous d'ouvrir nos cœurs et nos esprits.»

Le football, c’est désormais bien connu, est la continuation de la politique par d’autres moyens, ainsi qu’une importante manne financière et un efficace soft power, contribuant par cette qualification au rayonnement international du Maroc moderne.

Le Maroc qui fait rêver par sa force tranquille à la manière de Yassine Bounou, à la fois énergique et serein, conquérant les cœurs avec son irrésistible sourire, représentation parfaite de l’assurance et de l’optimisme.

Le 10/12/2022 à 11h09