C’est un hymne à l’amour et à la liberté, sous le signe de Moutanabbi mais aussi Imru Al Qays et Al-Maari. Il est porté par un immense talent et une langue transparente. Sans fioritures. Il fait le point, avec une grande délicatesse, et très subtilement, de ce que nos sociétés sont devenues.
L’histoire est simple. Une histoire d’amour. Un imam qu’une femme va éveiller à la vraie vie. Elle le portera «des ténèbres au grand jour».
La vie ne sera jamais plus la même. «La vie n’était rien, se rappellera-t-il, qui mérite mention ou estime». Avant de préciser: «ma vie avant toi m’a rendu la vie laide et m’a empêché de la désirer».
Il y a des pages brûlantes. Un homme et une femme s’aiment. Tout semble aller comme dans le meilleur des mondes. Ils célèbrent la vie et la mémoire de Moutanabbi. Mais des hommes masqués sont à l’œuvre. Ils font feu de tout bois. Ils ne reculent devant rien. «Ils ont élevé la ruée vers la mort au rang de l’adoration». L’imam se verra reprocher de prendre un verre d’eau… de la main gauche!
Il connaîtra une certaine notoriété et se fera de nouveaux ennemis. «N’oublie pas, écrira-t-il dans une longue confession, que même quand je prenais parti pour la vie, je ne cessais d’agir au nom de Dieu, de Son Envoyé et de Sa religion révélée».
On le traitera de tous les noms. Il ne baissera jamais les bras, il continuera de se battre. Ses adversaires, des prévaricateurs, l’entendront d’une autre oreille. Son sang est déclaré licite.
Une dernière soirée le réunira avec sa bien-aimée, puis il la quitte pour se rendre chez lui et sera enlevé en cours de route.
Dans ce livre passé inaperçu, beaucoup de questions sont posées sur la liberté de l’autre, le territoire où chacun se bat pour donner du sens à sa vie.

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Dans l’épilogue, quelqu’un dit à l’imam: «en ce jour dernier, j’aurais tant aimé avoir comme toi, une compagne qui me serait un refuge».
Anodine en apparence, cette phrase célèbre la vie en ce qu’elle est un miroir dans lequel se reflète une histoire qui dissèque par le menu, sans en avoir l’air, ce que nous vivons aujourd’hui.
J’ai été subjugué par ce roman, qui mêle la chair et l’esprit, l’amour, la religion et la poésie. On voit cheminer un imam -un homme- vers la vraie vie.
Le roman de Racha Al-Ameer porte, dans ses interstices, les inquiétudes et les tourments de notre époque. On se demande pourquoi cette histoire, qui parle de nous avec une si grande justesse, n’a pas eu plus d’échos.
Paru en arabe à Beyrouth, il y a près de vingt ans, «Le jour dernier» a été traduit en français, en 2009, par Actes sud. Il est urgent de le lire et de lui accorder la place qu’il mérite.
Le Jour dernier, de Racha Al-Ameer, Dar al Jedid, Beyrouth 2002 (traduit en français, aux éditions Actes Sud, par Youssef Seddik, Arles 2009).







