Vidéo. Covid-19. «C’est une catastrophe»: dans le cluster de Safi, les victimes et leurs proches racontent

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Depuis l'apparition à la fin de cette semaine d’un foyer de Covid-19 dans une conserverie de poisson appartenant au groupe Unimer, Safi ne cesse de compter ses victimes. En quarantaine, la ville est désormais fermée. Le360 s’y est rendu. Images et témoignages exclusifs.

Le 05/07/2020 à 16h14

Véritable forteresse contre la propagation du coronavirus, la ville de Safi a fini par tomber. Et de la pire des manières. L’apparition d’un foyer de contamination dans une usine de conditionnement de poisson, en fin de semaine dernière, a eu des suites, et des plus graves. La ville s’est du jour au lendemain transformée en un cluster de propagation du virus.

Dans la seule usine précitée, propriété du groupe Unimer, on dénombre désormais pas moins de 400 personnes contaminées, des ouvrières pour la plupart.

L’impact de l’explosion du nombre de cas de contamination a été tel que les autorités ont décidé de fermer totalement les accès à la ville. Plus personne n’y entre ou n'en sort. Allégées auparavant, les mesures de l’état d’urgence sanitaire ont été rétablis et certains quartiers de la ville, abritant le plus grand nombre d’infections, sont quadrillés. C’est notamment le cas dans les quartiers Coréa et Oqba Ibn Nafiî.

À l’intérieur de la ville, où Le360 s’est rendu ce week-end, la tristesse et la peur se lisent sur tous les visages. La colère aussi. En cause, l’absence de mesures de protection sanitaire dans l’usine incriminée, comme un peu partout dans les autres unités de cette ville industrielle qui vit en grande partie grâce à la transformation du poisson, surtout de la sardine. 

«Ma fille a été déclarée positive au coronavirus et elle a été transportée à l’hôpital. Elle travaille dans une usine où il n’existe aucune mesure de précaution sanitaire: ni désinfectant, ni distanciation physique… Et il n'est pas exclu qu’elle nous ait contaminé. Nous ne sentons pas très bien et j’avoue moi-même avoir de la fièvre», nous relate cette mère de famille.

D’un âge certain, une autre ouvrière nous dit avoir également été testée positive au coronavirus.

«Que Dieu nous vienne en aide à toutes», prie-t-elle. Une de ses proches ajoute que toutes les ouvrières de l’usine ont été testées.

«Le pire, c’est que bien des personnes auxquelles les dirigeants de la première usine avaient interdit l’accès en attendant les résultats des tests sont allées travailler dans d’autres unités de transformation de poisson, en toute illégalité, et au risque de propager davantage le coronavirus», nous raconte-t-elle.

«Là où je travaille, certaines précautions ont certes été mises en place, mais il n’y a pas eu de distanciation physique. Nous travaillons côte à côte, voire les unes sur les autres», explique notre interviewée.

Ce que tous nos interlocuteurs demandent aujourd’hui, ce sont des tests. 

«Il faut que ce soit généralisé au niveau de la ville. Nous vivons en communauté et il est fort probable que de nombreux cas existent mais ne sont pas encore détectés. Ce n’est pas une demande, mais une revendication: il nous faut être testés», réclame cette ouvrière.

Avec une épouse et une soeur déclarées positives au Covid-19, ce Safiote cache à peine sa rage. «Cette usine gagne un argent fou sur le dos de ces ouvrières, mais quand il a été question d’appliquer les règles sanitaires, les moyens ont soudain manqué. C’est inadmissible», dénonce-t-il.

Pour sa part, Abderrahim Hanam, secrétaire local de l’Association nationale de défense des droits de l’homme au Maroc, affirme que cette situation était prévisible.

«Nous avions à maintes reprises tiré la sonnette d’alarme quant à l’absence des règles sanitaires dans ces usines et les mauvaises conditions de travail. Nous avons écrit aux autorités dans ce sens. Et le problème ne date pas d’aujourd’hui», regrette-t-il.

Rappelons qu'une batterie de mesures ont été adoptées pour le contrôle de la situation épidémiologique dans la province de Safi suite à l'apparition de nouveaux cas positifs de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19).

Il s’agit notamment de la fermeture totale du 3e district urbain de la ville où se concentrent les cas positifs de la Covid-19, la fermeture et l'interdiction des déplacements de et vers la Cité des Océans sauf dans des cas déterminés et la fermeture immédiate des 18 unités de conservation, situées dans la ville et l'arrêt du transport de leurs employés.

La fermeture des locaux de commerce à 18H00 a également été décidée, ainsi que la fermeture des cafés à 20H00, l’interdiction d'accès à la plage de la ville et la fermeture de deux marchés de proximité "Assalam" et "Siha", dans le troisième district.

La cadence des opérations de stérilisation et de désinfection au niveau de ce district a également été intensifiée, en particulier dans les zones où sont concentrés les cas positifs détectés, mais aussi la stérilisation et la désinfection des places publiques, des parcs et des moyens de transport public, la multiplication des campagnes de sensibilisation et de "conscientisation" pour informer les citoyens des mesures entreprises ainsi que la prise en charge des cas confirmés dans les hôpitaux de la ville de Safi et des autres régions.

Par Fatima El Karzabi et Saad Aouidy
Le 05/07/2020 à 16h14