Prison de Oukacha: la double peine des détenues accompagnées de leurs enfants

Adil Gadrouz / Le360

Le 15/01/2022 à 16h37

VidéoLeurs enfants dans les bras, plusieurs mères détenues à la prison locale «Oukacha» d’Aïn Sebaâ, à Casablanca, ruminent leur chagrin en pensant à leur destin de prisonnières, et à celui de leurs petits grandissant derrière les barreaux. Le360 est parti à leur rencontre. Faits et témoignages.

90 détenues, accompagnées de leurs enfants, dont 92 enfants âgés de moins de cinq ans, mènent un quotidien amer, et n’arrêtent pas de penser à leur destin de prisonnières et à celui de leurs bébés et nourrissons condamnés à scruter, le ciel bleu de Casablanca, seule vue depuis la maison des mamans, dans la prison locale «Oukacha» Aïn Sebaâ.

En effet, la maison des mamans est un espace qui se compose de 24 chambres doubles avec salle de bain, d'un foyer, d'une salle médicale, d'une salle de formation professionnelle, d'un jardin d'enfants où vivent des détenues enceintes et des mères qui ont préféré garder leurs enfants auprès d’elles.

Ces mères incarcérées vivent comme le reste des détenues. Elles peuvent bénéficier de toutes les activités prévues par la Délégation générale de l'administration pénitentiaire. Toutefois, elles passent leur peine avec une double souffrance car elles se retrouvent accompagnées de leurs enfants condamnés avec elles pour des crimes dont ils n'ont pas connaissance.

«Il vaut mieux qu'un enfant vive à côté de sa mère, mais la prison reste une prison, et le moment de la séparation est très difficile à vivre. Il y a quelques jours, une détenue s'est effondrée après avoir été séparée de son enfant, qui avait atteint l'âge légal pour sortir de prison», explique une technicienne en énergie solaire, condamnée à trois ans de prison, dans une déclaration à Le360.

La tristesse, le regret, la peur, l'anxiété sont des sentiments partagés par ces mères emprisonnées, en particulier celles condamnées pour de longues années. Elles souffrent en silence, craignant le jour où elles seront contraintes de se séparer de leurs petits. Elles ne peuvent que se soumettre à leur sort amer, en espérant que leurs enfants mèneront une vie meilleure loin des portes des cellules.

«Bien qu'il y ait des salles blanches et un endroit aménagé pour que les enfants puissent jouer, leur liberté reste limitée par le temps, il y a un horaire pour sortir et entrer. Dans de nombreux cas, nous rencontrons des difficultés avec nos petits lorsqu'ils demandent de sortir. Et il nous est difficile de leur expliquer qu'ils sont à l'intérieur de la prison et qu'il y a certaines règles à respecter», déplore la technicienne en énergie solaire.

En effet, la maison des mamans est un établissement certes pénitentiaire, mais dont l’objectif principal est de répondre aux besoins des bébés, en leur permettant de mener un semblant d'enfance tout près de leurs mères incarcérées.

Selon Naima Wakrim, responsable du service social au sein de la prison locale d'Aïn Sebaâ, «le délégué général de l'administration pénitentiaire autorise les enfants âgés de plus de 3 ans à intégrer le cycle d'études primaires et ceci en dehors de l'établissement pénitentiaire. Par conséquent, l'administration pénitentiaire coordonne avec une école, afin de garantir à ces jeunes enfants un accès à l'éducation».

Et d’ajouter: «ces enfants sont soit nés pendant la période de détention de leurs mères ou accompagnent leurs mamans lors de l’arrestation. Ils sont autorisés à rester jusqu’à l’âge de 3 ans, mais si la mère tient à garder son petit auprès d’elle, celle-ci devra déposer auprès du délégué général une demande de prolongation de la période de garde. Après cela, l’enfant vit avec sa mère jusqu’à l’âge de 5 ans, pour être ensuite confié à un membre de sa famille».

Par Fatima Zahra El Aouni et Adil Gadrouz
Le 15/01/2022 à 16h37