Plus de 40% des personnes testées à Casablanca sont positives au Covid-19

Des personnes attendent leur tour devant un centre de vaccination Covid-19, dans le contexte de l'opération «vaccinodrome intelligent», au quartier Errahma, près de Casablanca, le 9 août 2021. 

Des personnes attendent leur tour devant un centre de vaccination Covid-19, dans le contexte de l'opération «vaccinodrome intelligent», au quartier Errahma, près de Casablanca, le 9 août 2021.  . FADEL SENNA / AFP

Le Covid-19 se répand à toute vitesse à Casablanca. Au cours des trois derniers jours seulement, 40 à 45% des tests effectués dans la métropole se sont avérés positifs, avec une prédominance du variant Omicron.

Le 09/01/2022 à 08h34

Hier, samedi 8 janvier 2022, parmi les 7.064 nouvelles infections recensées dans tout le Maroc, 3.426 ont été déclarées à Casablanca.

Le nombre de personnes contaminées ne cesse d'accroître dans la métropole, où au cours de la période du lundi 3 au samedi 8 janvier, 15.279 cas ont été recensés sur un total de 30.344 cas déclarés à l’échelle nationale, soit une part de 50,35%.

Le taux de positivité à Casablanca, qui mesure le rapport «cas positifs/nombre de tests» suit la même tendance haussière. Ces derniers jours, ce taux a oscillé entre 40 et 45%, indique une source médicale, un pourcentage qui n’a jamais été égalé auparavant.

De l’avis de plusieurs experts consultés par Le360, ce taux est amené à croître davantage dans les jours à venir. 

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Pour le Dr Jaâfar Heikel, épidémiologiste, spécialiste en maladies infectieuses, «le nombre élevé de cas incidents à Casablanca est dû à plusieurs facteurs. Le premier est d’abord lié au nombre élevé de tests effectués par jour et qui se répercute sur le taux de positivité».

En effet, explique ce professeur de médecine, «la ville se caractérise par une forte densité de population et par un large réseau de laboratoires privés et d’hôpitaux publics, permettant d’avoir un volume de tests qui est relativement plus important».

La deuxième raison derrière la circulation avérée du virus a trait au flux de mobilité généré par l’activité économique et industrielle de la métropole. Ce flux favorise davantage la prolifération des cas positifs au Covid-19, sachant que la population respecte de moins en moins les gestes barrières.

De plus, la faible adhésion de la population à une troisième dose de vaccin anti-Covid est un facteur aggravant. «Depuis le 27 octobre dernier, nous avons constaté une régression importante des doses administrées par jour. Cette baisse, observée dans l’ensemble du territoire, est encore plus évidente à Casablanca, où beaucoup de personnes ne se sont pas encore vues administrer la première dose (D1) ainsi que la D2, et encore moins la D3», ajoute ce médecin.

«Il faut tester au moins 1% de la population»De son côté, Zoubida Bouayad, pneumologue, indique que «même si le nombre de tests est relativement élevé à Casablanca, il ne reflète en aucun cas le nombre de personnes réellement atteintes du Covid-19», précisant «qu’il y a beaucoup de personnes asymptomatiques, qui ne présentent aucun symptôme clinique de la maladie et qui, par conséquent, ne se font pas tester».

«D’autres n’arrivent pas à se faire tester vu le prix que coûtent les tests PCR dans les laboratoires», explique la pneumologue.

Jaâfar Heikel est d'ailleurs du même avis: «le nombre de tests effectués à ce jour est insuffisant pour nous donner une véritable image épidémiologique de la situation du Covid-19».

«Il faut tester au moins 1% de la population. Aujourd’hui, le nombre de tests effectués ne dépasse pas les 31.000 tests par jour. Il faudrait passer à 100.000 tests au quotidien pour avoir 1 million de tests en dix jours. Au bout de trois mois, ce seront trois millions de tests effectués, ce qui représente à peu près 10% de la population», détaille l'épidémiologiste.

«Tester 10% de la population permettra d’avoir une meilleure idée sur la prévalence de la pandémie dans le Royaume. L’idéal reste, toutefois, de tester 20 à 25% de la population. Ceux qui se font actuellement tester sont surtout ceux qui ont les moyens (400 dirhams), qui ont des symptômes, qui veulent voyager et qui ont été des sujets contacts», souligne-t-il, précisant que d’autres personnes, présentant des symptômes du Covid-19, préfèrent recourir à l’automédication, au lieu de se faire tester. «C’est dangereux», regrette ce médecin.

Omicron rebat les cartesSur Médi1 TV, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, a annoncé que le variant Omicron constituait désormais plus de 70% des cas de contamination par le Covid-19 au Maroc. Faut-il alors s’en inquiéter?

Le professeur Tarik Sqalli Houssaini, médecin et auteur du livre «Covid-19: entre optimisme et objectivité», fait observer que la période d'incubation d'Omicron est plus courte et que le virus se transmet rapidement, même parmi la population vaccinée. Tout se raccourcit, y compris la phase symptomatique ou asymptomatique. D’où la forte remontée de cas de Covid-19 au Maroc, surtout à Casablanca.

Tarik Sqalli Houssaini souligne, par ailleurs, que «le variant Omicron infecte particulièrement les voies aériennes supérieures (nez, gorge), d’où sa forte contagiosité, mais moins les poumons, où démarrent les formes graves du Covid-19», précisant que «les symptômes décrits par les malades qui ont été infectés se rapprochent du rhume, à savoir des écoulements dans le nez, des maux de gorge, des maux de tête, des sueurs froides, de la fatigue et des éternuements».

Autre élément important expliquant la vitesse de propagation du variant Omicron: sa durée d’incubation, qui couvre la période entre la contamination par le virus et l'apparition des premiers symptômes, qui est désormais plus courte, et qui est de 3 jours, contre 4 à 5 avec le Delta.

La baisse de la durée d’incubation a pour effet de réduire la durée de maladie. Le passage de la positivité à la négativité est désormais de 5 à 7 jours et dépend principalement de la charge virale de la maladie (concentration du virus).

Autre détail non moins important: la durée moyenne de séjour en réanimation n'a pas augmenté, mais a, au contraire, baissé.

«Avec Omicron qui est désormais dominant, le nombre cumulé des personnes contaminées et admises en réanimation n’a pas augmenté, du fait de la concomitance des flux des entrées-sorties dans les services d’urgences. Au lieu d’un séjour de quatre semaines avec le Delta, la durée du passage en réanimation est désormais approximativement de cinq jours», précise-t-il, tout en mettant en garde contre une possible augmentation du nombre absolu de cas en réanimation.

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«Quand on augmente le dénominateur (le nombre de cas), le nombre de cas admis en réanimation sera important. Les 6 et 7 janvier, par exemple, le Maroc a recensé 136 nouveaux cas en réanimation. Ces personnes ont attrapé le virus au moins 10 jours avant leur admission, soit depuis le 28 décembre (le premier jour où le Maroc a dépassé le seuil quotidien de 1.000 cas). Si nous prenons cet exemple comme cas de figure, il serait possible de déduire le nombre de cas en réanimation que le Royaume pourrait recenser dans 10 jours. Il faut donc rester plus vigilant pour éviter une hécatombe sanitaire», conclut le professeur Tarik Sqalli Houssaini. 

Quelle est donc la conséquence de cette forte remontée de cas sur les services de réanimation au Maroc, notamment à Casablanca, qui enregistre la moitié des cas recensés dans le Royaume? Contacté par Le360, un membre du Comité scientifique technique pour la gestion du Covid-19 a souligné que la situation était actuellement difficile dans la métropole, qui accueille quotidiennement le nombre le plus élevé de cas de contaminations au Maroc. En effet, 102 lits de réanimation sont déjà occupés à Casablanca, a confié une source médicale.

La pression sur les systèmes de santé n’est pas seulement due aux nouveaux patients atteints du Covid-19, et nécessitant une hospitalisation, mais aussi au fait qu’un grand nombre parmi les membres du personnel médical tombent malades, ajoute ce membre du Comité scientifique technique pour la gestion du Covid-19.

Les blouses blanches et le corps médical dans son ensemble sont en effet très exposés aux risques de contamination. Plusieurs hôpitaux à Casablanca, publics et privés, se retrouvent donc en sous-effectifs et leurs collègues subissent donc une surcharge énorme, indique-t-il.

Cet interlocuteur lance un appel à tous à se faire vacciner au plus vite, afin de faire face à la progression rapide des nouveaux variants, et tient aussi à rappeler l’importance des mesures d’hygiène et des gestes barrières à adopter pour limiter la transmission du virus.

Évolution de la situation sanitaire à Casablanca durant les deux dernières semaines. 

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Par Hajar Kharroubi
Le 09/01/2022 à 08h34