Non encadrés par la loi, les cafés à chicha prospèrent... au grand dam des riverains

Narguilés (photographie d'illustration). 

Narguilés (photographie d'illustration).  . DR

Un incendie, déclaré dans un café à chicha, qui s'est soldé par deux morts à Tanger, relance le débat autour de ces cafés. Sont-ils prohibés par la loi? Le flou demeure, en ce qui concerne la législation sur la commercialisation du narguilé dans les lieux publics. En attendant, ils dérangent.

Le 13/01/2020 à 07h01

Malgré de multiples campagnes de sensibilisation initiées par les autorités contre les cafés à chicha, cette activité prend de plus en plus d'ampleur dans les grandes villes du royaume. Une prolifération logique, pour ce commerce très rentable et non réprimé par la loi. “Il n’existe aucune loi qui interdit la consommation ou commercialisation du narguilé au Maroc”, indique Me Brahim Rachidi, avocat, interrogé par Le360.

Souvent détestée, mais pas officiellement prohibée, la chicha fait de nouveau débat, après un incendie qui s’est déclaré dans le café à chicha Ô 75 Paris de Tanger, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier dernier. Situé dans le complexe La Tulipe, sur la baie de Tanger, ce bar à narguilé a été complètement ravagé par les flammes. Deux morts et quatres blessés sont à déplorer.

En effet, l’absence d’un cadre juridique réglementant l'usage des narguilés dans les lieux publics est une pomme de discorde entre les gérants de ces cafés, les riverains de ceux-ci et les autorités publiques. Les décisions d’interdiction de la chicha, ou encore les campagnes ponctuelles de saisie du matériel qui touchent les bars à narguilé, sont souvent la conséquence des plaintes des habitants, qui dénoncent l'odeur dégagée par l'usage de ces produits, et un phénomène qui l'accompagne: la prostitution, souvent liée aux bars à chicha.

Les gérants des cafés à chicha sont en effet souvent accusés d'inciter à la prostitution, ou à cause du "manque de mesures de sécurité et d'hygiène dans leurs commerces", précise Brahim Rachidi. Les fournisseurs de narguilés, quant à eux, peuvent commercer en toute sérénité, et vendent leurs produit à grande échelle, sans que leurs ventes ne soient restreintes. 

D’une part, il est certain, selon les avis médicaux, que la fumée de la chicha représente un énorme risque sanitaire, inhaler une chicha équivalant quasiment à fumer un paquet de cigarettes. D'autre part, ces cafés sont clairement perçus comme des lieux de "dépravation", et de consommation de drogue, car dans le tabac utilisé dans les narguilés, on glisse aussi, parfois, du haschich. 

Malgré tout, le business est lucratif et certains cafetiers l'adorent: "la chicha est le meilleur moyen de fidéliser une clientèle, capable de débourser pas moins de 300 dirhams par jour. Une rentabilité impossible dans un café classique", confie le propriétaire d’un café à chicha à Casablanca.

En 2016, la chicha avait fait beaucoup parler d'elle. Une proposition de loi, soutenue par le Parti de la Justice et du Développement, prévoyait jusqu’à trois ans de prison pour les vendeurs de chichas. Mais le texte est à présent oublié dans un tiroir. A cette époque, les membres du PJD avaient signalé qu’en plus du risque sanitaire encouru par les consommateurs, les cafés à narguilé étaient aussi des lieux de prostitution de jeunes filles mineures. 

Depuis trois ans, c'est le silence radio. L'usage de la chicha dans les lieux publics n’est toujours pas interdit par la loi, mais il est la cause de nuisances certaines pour beaucoup. 

Par Lamiae Belhaj Soulami
Le 13/01/2020 à 07h01