Discours du Trône. Houria Tazi: l'eau, une question de justice sociale (réactions)

Houria Tazi, présidente de la Coalition marocaine pour l’eau.

Houria Tazi, présidente de la Coalition marocaine pour l’eau. . DR

Dans son discours du Trône, le roi Mohammed VI a mis l’accent sur la préservation des ressources en eau en tant que gage d'un développement durable. La réaction de Houria Tazi, présidente de la Coalition marocaine pour l’eau (COALMA).

Le 31/07/2018 à 09h36

Pour les militants en faveur de la préservation de l’eau au Maroc, le discours du Trône est très important, dans la mesure où il trace non seulement les contours d'une vraie stratégie, mais aussi ceux d'une méthodologie de travail.

"La question de l’eau pour nous, membres de la Coalition marocaine pour l’eau, est économique, sociale et a un lien évident avec l’environnement et le développement durable. L'accès à l'eau souligné par le roi est aussi un élément fondateur de la justice sociale que nous défendons", commente Houria Tazi, avocate chevronnée et présidente de la Coalition marocaine pour l’eau (COALMA).

Dans son discours, le roi Mohammed VI propose d’améliorer la situation sociale du pays, et sur la durée. Il insiste aussi sur une action collective, planifiée et coordonnée entre les institutions et les différents acteurs, y compris les partis politiques. "La question de l’eau est justement une question transversale qui ne peut plus du tout être gérée de manière sectorielle. C’est pour cela que nous avons besoin de mécanismes de coordination aussi bien au niveau local que régional. Mon souhait, c’est que notre mécanisme de coordination nationale soit placé à un haut niveau, de façon à ce que nous puissions réussir cette coordination", souligne Me Tazi.

Le discours parle de l’ampleur du déficit social et des modalités de réalisation de justice sociale et territoriale. "Il y a effectivement une injustice géographique entre les différentes régions, tout comme il y a une injustice dans l’accès à l’eau. Une nouvelle politique basée sur la justice sociale s'impose donc, afin de venir en aide à des régions et des populations qui n’ont pas encore accès à l’eau", commente la militante, autrefois grand calibre de l'Union socialiste des forces populaires.

A ce diagnostic, il faut apporter bien des nuances. Le Maroc a fait énormément de progrès dans le domaine, témoigne Me Tazi. "De 1994 à aujourd’hui, nous sommes passés de 14% d’accès à cette ressource à un taux qui avoisine les 92%. Mais il se pose toujours le problème de l’assainissement, car lorsqu’on utilise l’eau et qu’on la rejette directement dans la nature, c'est du gaspillage pur et simple. Aujourd’hui, la tendance est à la réutilisation et au retraitement de l'eau dans le cadre de l’économie circulaire. Et c'est tant mieux", dit-elle. Il y a également la responsabilité des entreprises, aussi bien celles qui gèrent l’eau que celles qui l'utilisent. "Elles ont besoin de sécurité hydraulique certes, mais nous avons besoin de leur expliquer qu'elles doivent utiliser cette eau avec parcimonie, la rationaliser et non pas la rejeter telle quelle dans la nature", note-t-elle.

L’autre question abordée dans le discours du roi, c’est l’approche participative, sans laquelle aucun projet ne peut réussir. "Nous sommes une plateforme qui regroupe tous les acteurs de l’eau et nous avons mesuré la valeur ajoutée d’avoir tout le monde autour d'une même table. D'ailleurs, nous comptons dans nos rangs un bon nombre d'experts, mais qui ne sont jamais sollicités par les acteurs sur cette question, et c’est dommage", affirme la militante.

Tout n'est pas noir dans le pays. Lors du Conseil des ministres du 2 octobre 2017, le roi avait soulevé la question de la rareté de l’eau et une commission ad hoc, présidée par le chef du gouvernement, avait été créée, avec prolongation du Plan national de l'eau jusqu'en 2050. "Mais il faut peut-être ajuster, accélérer et donner de l’importance à cet aspect social de l’eau", insiste Tazi. Le Plan national permettra entre autres de mettre en œuvre la nouvelle loi sur l’eau. Cette loi propose la diversification des sources d'approvisionnement en eau (dessalement de l'eau de mer, etc.). "Il y a donc énormément de bonnes idées en projet, mais, à mon avis, la question de la gouvernance doit être repensée", conclut l'avocate.

Par Qods Chabaa
Le 31/07/2018 à 09h36