Vidéo. Abdelmadjid Tebboune bavard sur le Sahara marocain, muet sur le Hirak

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Dimanche soir, Abdelmadjid Tebboune s’est une nouvelle fois exprimé à la télévision publique. Pendant 70 mn, le président Tebboune, hué tous les mardis et vendredis par des millions d’Algériens, n’a pas dit un seul mot sur le Hirak. Pourtant, il a trouvé le temps de parler du Maroc.

Le 06/04/2021 à 18h10

Lors d’une rencontre avec deux journalistes algériens, diffusée en différé dimanche 4 avril 2021, dans la nuit, par la télévision publique, le président algérien n’a abordé aucun des sujets qui préoccupent les Algériens. Pas le moindre mot sur le Hirak, ni sur les revendications de millions d’Algériens qui marchent dans la quasi-totalité des villes chaque vendredi, ni sur la répression policière dont les scandales défraient la chronique en Algérie, avec notamment l’affaire de Saïd Chetouane, mineur de 15 ans, agressé sexuellement samedi dernier dans un commissariat, mais «seulement par un talkie-walkie», tempère d’une façon sidérante le procureur général…

Durant ces 70 minutes, Tebboune a parlé comme s’il vivait dans un autre pays. Ne pas dire un seul mot sur le Hirak et les centaines de milliers de personnes qui traitent le président «d’usurpateur» et «d’illégitime» et appellent à instaurer «un Etat civil, et non pas militaire» donne la mesure de la débandade du régime algérien qui n’a plus que la fuite en avant à proposer comme politique.

Cette attitude de Tebboune a été précédée par un boycott volontaire du Hirak par tous les médias publics algériens qui ne disent pas un mot sur les manifestations du peuple qui se déroulent tous les mardis pour les étudiants (auxquels s’ajoutent de plus en plus de citoyens) et les vendredis où marchent des millions d’Algériens dans la quasi-totalité des villes du pays.

Les deux journalistes, chargés de questionner Abdelmadjid Tebboune, vivent également dans un autre pays. Ils n’ont pas non plus posé la moindre question sur le Hirak. Ce qui laisse penser que ces journalistes complaisants ont été priés par l’entourage du président d’éviter d’évoquer ce sujet.

A part le rétropédalage du pouvoir sur la menace de retrait de la nationalité algérienne qui planait sur les opposants en exil, ou la décision de maintenir coûte que coûte les prochaines élections législatives et locales de juin 2021, puis de leurs résultats quel que soit le taux de participation, Abdelmadjid Tebboune a encore versé dans la fanfaronnade.

Ainsi, en abordant la création de nouvelles wilayas, il n’a pas hésité à affirmer que l’Algérie est le seul pays au monde qui a pu assurer un développement régional dans toutes les parties de son vaste territoire, ce que d’autres Etats plus riches, ajoute-t-il, n’ont pas pu réaliser. De même, se vante-t-il, l’Algérie est jalousée par les pays de la région, car ces derniers ne disposent pas d’un… entraîneur de football de la trempe de Djamel Belmadi, qu’il dit avoir reçu récemment!

Pour un président en mal de légitimité, botter en touche, pour rester dans le jargon footballistique, n’est pas une surprise, surtout que ses intervieweurs n’ont pas manqué de lui donner des passes outrageusement téléphonées. A l’instar la journaliste d’Echourouk qui a soulevé la question du Sahara en parlant de ce qu’elle appelle les «points positifs récemment engrangés par la diplomatie algérienne» à l’Union africaine. Une référence à l’ultime manœuvre de Smail Chergui, chef défroqué de la Commission paix et sécurité de l’UA, qui a concocté à Tebboune un mini-sommet de quatre chefs d’Etat, où le dossier du Sahara a été abordé par effraction.

Le président algérien ne s’est pas fait prier pour retomber à nouveau dans la redite et les contradictions. En effet, après avoir déclaré que «l'Algérie qui rejette toute ingérence dans ses affaires internes se refuse aussi d’évoquer des questions internes d’autres pays», continuera d’exiger, selon lui, que la Commission paix et sécurité de l’Union africaine s’occupe du dossier du Sahara. Une déclaration qui constitue également une violation flagrante de la décision 693 de l’Union africaine de 2018, qui avait décidé que la seule implication de l’organisation panafricaine dans le dossier du Sahara se limiterait à l'avis consultatif d’une troïka, constituée de trois chefs d’Etat africains, qui est soumise à la primauté et à l’exclusivité du Conseil de sécurité sur le dossier.

Tebboune a ensuite ressassé ce vieux disque rayé, laissé en héritage par Houari Boumediene, au sujet d’une «affaire de décolonisation», en demandant «de laisser la voie à l’ONU en vue de régler ce conflit». ONU ou Union africaine? Tebboune ne sait plus sur quel pied danser.

Après avoir donné l’étendue de sa haine envers le Maroc et les Marocains, pour qui l’intégrité territoriale est une cause sacrée, Tebboune affirme n’avoir aucune «animosité» à l’égard du Maroc, «car les Marocains et les Sahraouis sont nos frères et nous souhaitons une solution satisfaisante pour les deux parties».

Avant de s’occuper de ses frères marocains et sahraouis, le président Tebboune serait fondé de se préoccuper de ses frères algériens qui sont des millions à crier «Tebboune Lmzawer, jabouh al askar» (Tebboune l’usurpateur a été placé par les militaires) ou «makaynch lintikhabates maa al issabates» (il n’y a pas d’élections avec les gangs).

Avec son cortège de médias complaisants, Tebboune ressemble à ce chef d’orchestre du Titanic qui n’a pas lâché sa baguette à l’adresse de musiciens qui jouaient faux, pendant que le navire prenait de l’eau.

Par Mohammed Ould Boah
Le 06/04/2021 à 18h10