UE-Maghreb: la difficile équation de départager le Maroc et l’Algérie en Afrique

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Le Conseil européen des relations internationales (ECFR) a publié une étude comparative sur l’influence du Maroc et de l’Algérie en Afrique, et leur incidence sur l’UE. Si dans l’ensemble ce think tank donne l’avantage à notre pays, il estime que notre voisin de l’Est garde un poids non négligeable.

Le 23/03/2018 à 18h01

Le Conseil européen des relations internationales (ECFR) s’est penché sur la rivalité entre le Maroc et l’Algérie pour asseoir leur influence sur la scène africaine. Ce rapport commence par rappeler tous les facteurs qui unissent les deux pays: langue, religion, histoire et identités ethniques. Une façon de mettre en contraste les multiples divergences qui enveniment les relations des deux pays depuis des décennies.

Curieusement, l’EFCR considère que le problème du Sahara n’est pas la racine du mal qui ronge les deux pays. Les tensions sont plus profondes qu’un problème de territoire et sont plutôt liées à «l'Etat-nation et des idéologies postcoloniales». L’Algérie ayant toujours prôné le communisme et se plaçant toujours du côté du camp de l’Est et de l’Etat providence. Le Maroc n’a pas changé de camp, même s’il a su, depuis toujours, conserver de bonnes relations avec l’ex-URSS et la Chine tout en étant un allié des Etats-Unis.

Une politique d’ouverture qui lui a permis d’étendre son champ d’influence, y compris en Afrique, même si le Maroc avait quitté l’OUA en 1984 et n’a réintégré l’UA qu’en 2017. Le rapport de l’ECFR est formel, le Maroc a fait une grande percée en Afrique après son retour à l’Union africaine, et surtout après son élection au Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’organisation panafricaine. Ce qui est interprété comme «un indicateur important de son influence croissante sur la scène africaine». D’autant que le Maroc prend la place de l’Algérie, poussée vers la sortie par le système de rotation au sein de l’UA.

Du coup, la politique marocaine en Afrique va dans le même sens que l’Union européenne. Ce qui est tout à fait logique estime l’ECFR puisque le Maroc dispose d’un statut avancé avec l’UE, tout en étant engagé dans le G5 pour lutter contre le terrorisme et en coopérant de manière étroite dans le domaine de la migration. Sur le plan économique, le Maroc a opté pour l’offensive en devenant le plus grand investisseur africain dans le continent noir (banques, télécommunications, agriculture…). Il a aussi tissé avec ses pairs africains de forts liens religieux (formation des imams) et culturels, notamment à travers les multiples voyages du roi Mohammed VI dans le continent. Des liens qui se sont renforcés avec la politique migratoire du Maroc qui est devenu le coordinateur des migrations pour l’UA et affermit son rôle d’interlocuteur avec l’Union européenne.

Ceci étant, ajoute le rapport, la position de l’UE sur le Sahara demeure ambiguë, même si la France a toujours soutenu le Maroc. Il est vrai qu’en 2015 l’accord agricole a été suspendu quand la Cour européenne de justice (CEJ) a jugé qu’il était illégal pour avoir inclus les provinces du Sud. Mais cela n’a pas empêché la Commission européenne de travailler en étroite collaboration avec le Maroc pour continuer leur coopération dans ce domaine.

Face au retour fulgurant du Maroc sur la scène africaine, le Conseil européen des relations internationales met en balance une Algérie qui souffre mais qui demeure influente. L’ECFR note qu’un tiers des pays africains continue de soutenir la thèse algérienne de l’autodétermination du Sahara marocain. Mais le Maroc demeure déterminé à ce que cette question ne soit pas discutée au sein de l’UA puisque ce litige relève du seul ressort de l’ONU.

Ceci étant, si l’UE considère que le Maroc est devenu très influent en Afrique, il n’en demeure pas moins qu’elle ne doit pas sous-estimer le poids de l’Algérie en Afrique. Il est vrai que ce pays a beaucoup perdu de son aura d’antan à cause de la maladie du président Bouteflika, diplomate chevronné, mais l’Algérie demeure un poids lourd par son histoire et sa lutte contre le terrorisme. Certes ce pays a été affaibli par la guerre des années 90 contre les islamistes radicaux, mais cette expérience lui sert aujourd’hui pour étendre son influence en Afrique. Il ne faut pas oublier aussi que l’Algérie demeure l’un des principaux pourvoyeurs du budget de l’UA, derrière l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Egypte et jusqu'à récemment l'Angola. Autant dire que ce pays reste très ancré dans l’UA et il continue de jouer un rôle important au sein de ses institutions.

Mais les relations de l’Algérie avec l’UE demeurent aléatoires, même si elles se sont améliorées depuis 2016 en matière de sécurité régionale et de lutte contre le terrorisme. Les échanges commerciaux demeurent toutefois très en deçà des potentiels des deux parties à cause des réticences algériennes sur la politique européenne.

En conclusion, le Conseil européen des relations internationales préconise à l’UE d’être prudente dans sa façon de travailler avec le Maroc et l’Algérie sur la scène africaine. Il rappelle que les acteurs européens, notamment la France et l’Espagne, ont tracé leur territoire en soutenant le plan d’autonomie marocain de 2007. L’ ECFR considère que si cette position s’étend à d’autres domaines, l’UE risque d’éloigner l’Algérie davantage de son giron.

Par Hassan Benadad
Le 23/03/2018 à 18h01