Think tank Al Mountada: la start-up des idées nouvelles pour le Maroc

Lors d'une conférence organisée par Al Mountada. Photo d'illustration.

Lors d'une conférence organisée par Al Mountada. Photo d'illustration. . DR

Récemment créé mais particulièrement actif, avec plusieurs livrables sur des sujets comme la fiscalité, la régionalisation et, prochainement, le nouveau modèle de développement, Al Mountada se veut un Think tank agile et indépendant. Mais qui est derrière, et que vise ce cercle? Réponses.

Le 30/06/2020 à 16h41

D’aucuns croyaient la tendance un peu «has-been», aucune structure ne s’étant vraiment imposée comme réceptacle de (vraies) idées à même de faire avancer la réflexion sur la chose publique au Maroc. Il y a certes des entités comme Le Cercle des économistes istiqlaliens qui ont le mérite de la régularité, mais dont la limite réside à la fois dans une appartenance partisane affirmée et le caractère un peu trop technique des thématiques traitées. Et c’est ainsi que l’évolution des think tanks au Maroc est restée quelque embryonnaire. Ce, alors que ces centres de réflexion, à l’expertise éprouvée et à la démarche scientifique, sont les véritables antichambres des centres de pouvoir dans les pays anglo-saxons et que, depuis un certain, leur rayonnement va bien au-delà. Cela, c’était avant l’apparition de ce qui semble être un think tank sérieux au Maroc.

La genèse du think tank remonte à 2018 et l’idée a été portée par deux jeunes hauts cadres: Ghali Fassi-Fihri et Ghassane Benchekroun. L’un est directeur financier au sein du ministère de l’Agriculture, l’autre directeur financier à Akwa. «Nous sommes partis du constat que les idées proposées jusque-là au Maroc, tant par les partis politiques que par les autres forces vives du pays étaient quelque peu uniformes. Il n’y avait pas de place pour les idées alternatives. Ce que nous souhaitions, c’est mettre en valeur de nouvelles idées, avec de nouveaux acteurs qui jusqu’ici étaient peu ou pas connus», explique Ghali Fassi-Fihri. «Nous étions au départ un groupe de personnes ayant des convergences de points de vue quant au projet moderniste que mène le pays et nous voulions contribuer à enrichir l’effort de réflexion autour de son développement», ajoure Ghassane Benchekroun.

C’est ainsi que ce qui était appelé au départ Le cercle des patriotes est vite devenu Al Mountada. L’approche préconisée est inclusive et territoriale. «On peut venir d’horizons différents, mais partager les mêmes valeurs et visions», résume Ghali Fassi-Fihri. Le mode de fonctionnement est celui d’une start-up: un seul membre est permanent, le reste de l’équipe étant constituée de bénévoles. «A ce noyau dur s’agrègent de nombreux autres acteurs». Les maîtres-mots de la démarche sont l’agilité et l’évolutivité. Aujourd’hui, entre membres et sympathisant, le cercle compte quelque 2.000 personnes.

Si ce Think tank reste peu connu, c’est parce qu’Al Mountada préfère faire parler de lui sur le registre de ses livrables, soit ses productions et autres propositions sur des thématiques précises. C’est ainsi qu’il s’est d’abord démarqué par sa contribution à la future réforme fiscale en 2019 lors des troisièmes Assises de la fiscalité. «Notre diagnostic a été que l’économie marocaine est basée sur la consommation et les investissements publics et qu’elle était bien trop ouverte alors que pour qu’elle soit viable, il fallait qu’elle se repose sur la production, notamment en matière d’industrie».

Dans ce domaine, Al Mountada préconise notamment une suppression de toutes les exonérations, une simplification de la structure des taux de TVA (un taux réduit s’appliquant sur les biens de première nécessité de 10%, y compris à l’amont du secteur agricole, et un taux normal de 20%). Il recommande également de relever le seuil d’exonération à des revenus de 60.000 dirhams par an au lieu de 30.000 actuellement.

Est venue ensuite la contribution d’Al Mountada aux Assises de la régionalisation. «Comme expliqué, l’approche territoriale est dans notre ADN. Et il n’y a rien de plus grisant que d’être une plate-forme pour un cadre à Tinghir qui a des idées sur les relations que doit avoir le Maroc avec la Banque mondiale par exemple. Nous sommes là pour cela également», indique Fassi-Fihri. «Par notre démarche bottom-up, et en allant chercher les intelligences où qu’elles se trouvent, nous avons été impressionnés par le niveau intellectuel et de conscience politiques de certaines élites locales, y compris dans les coins les plus reculés du pays. Et ces catégoriques méritent, par leur pertinence, et maintenant et plus que jamais, que nous les écoutions», développe Ghassane Benchekroun.

En la matière, ce que propose Al Mountada, c’est de réviser l’armature de l’administration centrale autour d'un schéma plus resserré, se traduisant par une réduction significative du nombre de directions, de divisions, de services et des strates hiérarchiques et de doter la région d’une administration efficace afin d’opter pour des structures administratives légères et bien organisées, appuyées par les outils de gestion modernes.

Sont également prônées la clarification des rôles de chacun des acteurs au niveau régional, l’amélioration de l’intégration et la cohérence des politiques sectorielles au niveau territorial et la définition des modalités de répartition des ressources fiscales et financières en adéquation avec les besoins de financement des régions sur la base de critères et d’indicateurs qui prennent en compte le niveau de développement humain, le niveau des équipements publics et d’infrastructures et le taux moyen d’activité de la région.

On peut également citer le dossier sur les finances publiques, au titre de la loi de finances 2019, et pour lequel le cercle a apporté sa contribution.

Actuellement dans le pipe, il y a la publication de la contribution d’Al Mountada sur le nouveau modèle de développement, attendue pour les jours à venir. Ce document est le résultat des cercles de réflexion, organisés dans les 12 régions du Royaume, et qui ont rassemblé cadres, dirigeants, chercheurs, acteurs associatifs étudiants. Plus de 300 participants dans 16 provinces y ont ainsi apporté leur point de vue.

A cela, s’ajoutent des conférences (Développement territorial de Tanger et sa région: vers quels nouveaux paradigmes, Dynamique de développement des Provinces du Sud) ainsi que des plate-formes notamment digitales de débat et d’échanges comme Maba3da-corona (un benchmark des mesures de relance économique après le Covid-19) ou «La voix de jeunesse», une tribune ouverte aux cadres dirigeants en devenir.

Quid des liens pouvant exister entre Al Mountada et le Rassemblement national des indépendants auquel il est apparenté? «Nous avons tout le soutien de Aziz Akhannouch (ministre de l’Agriculture, mais aussi patron d’Akwa…et du RNI), mais il n’y a aucune attache avec le parti. Nous tenons à notre indépendance d’approche et d’action, mais notre rôle est également d’influencer le politique. Si des convergences se créent et si nous pouvons être un réservoir d’idées pour le RNI, nous ne pouvons que nous en réjouir», affirme Ghali Fassi-Fihri. «Nos liens professionnels avec Aziz Akhannouch ne sont pas un secret et nous sommes fans de son action et de l’esprit de renouveau qu’il a apporté au RNI, mais nous ne sommes pas encartés. S’il arrive que le parti soit notre partenaire sur certaines actions, comme ce fut le cas avec Maba3da-corona, nous sommes ouverts à tous les autres courants politiques, pour peu que nous partagions les mêmes valeurs», conclut Benchekroun.

Par Tarik Qattab
Le 30/06/2020 à 16h41