Retraite des parlementaires: un vote qui en dit long

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Revue de presseKiosque360. Plus qu’un vote ordinaire, le rejet de la proposition de loi relative à la retraite des conseillers pose des questions de crédibilité, d’éthique et de morale. C’est également une situation inouïe sur le plan constitutionnel qui, de plus, révèle le poids grandissant des réseaux sociaux.

Le 11/06/2021 à 20h50

Au-delà du rejet, attendu d’ailleurs par l’opinion publique, d’une proposition de loi controversée, le vote, le 8 juin, du texte relatif à la liquidation du régime de retraite des conseillers parlementaires révèle plusieurs facettes, certainement pas les meilleures, de notre action politique.

Il révèle d’abord un problème de crédibilité. En effet, certains députés qui ont voté pour le texte en commission, dont les travaux se déroulent à huis clos, n’ont pas hésité à le rejeter ou à s’abstenir de voter en séance plénière, retransmise en direct sur le site du Parlement. Ce qui a d’ailleurs donné lieu à un cafouillage, au point que le président de séance a demandé de reprendre le vote à deux reprises, relève l’hebdomadaire La Vie éco dans son édition du 11 juin.

Au terme du troisième vote, Habib El Malki a finalement décidé de mettre fin à ce cafouillage. Ce vote a également révélé un problème d’éthique politique. Contrairement à leurs confrères de la première Chambre, qui se sont contentés de leurs cotisations, les conseillers ont en effet voulu se faire restituer les contributions de l’Etat à leur caisse de retraite et les produits de placement financiers effectués par le gestionnaire de la caisse. Ce qui est jugé inacceptable par l’opinion publique et même par de nombreux députés.

Ce dernier point pose un autre problème, cette fois moral, et particulièrement pour les élus du PJD, note l’hebdomadaire. Dans leurs référentiels idéologiques, les produits de placements financiers sont considérés comme de l’usure (riba), et sont donc illicites (haram). Or, cela ne semble aucunement déranger les élus islamistes. Comme ils n’ont d’ailleurs rien trouvé d’anormal à voter pour ce texte en commission pour s’abstenir de voter juste après, en séance plénière. 

Bref, poursuit La Vie éco, au-delà de ces questions de crédibilité, d’éthique et de morale, la trajectoire législative qu'a connue ce texte pose une problématique d’ordre constitutionnel. La proposition de loi a été élaborée, déposée et adoptée par les conseillers et rejetée par la suite par les députés. Que va-t-elle devenir après? C’est une question qui se pose pour la première fois depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, il y a près de dix ans. Ce qui fait dire à un professeur de droit constitutionnel, cité par La Vie éco, qu’il s’agit là d’une situation qui appelle certainement à une jurisprudence constitutionnelle.

Certes, la loi suprême a accordé un certain privilège à la première Chambre, puisque, selon l’article 84 de la Constitution, elle adopte en dernier ressort le texte examiné. Il n’en reste pas moins que le même article institue une certaine coopération entre les deux Chambres en matière législative. En foi de quoi, la proposition étant rejetée par la première Chambre, bien qu'amendée et cet amendement adopté, retourne chez les conseillers. Ces derniers ont le choix de la rejeter à leur tour, de l’adopter telle qu’amendée par la première Chambre ou de rejeter l’amendement et garder le texte initial. Dans ce cas, elle doit être soumise à nouveau pour examen et vote à la première Chambre. Tout cela à un peu plus d’un mois de la clôture de la session, et donc de la fin de la législature.

Cela étant, l’examen de cette proposition révèle une autre réalité toute nouvelle. A savoir l’influence grandissante, mais dont on ne peut pas encore mesurer l’étendue, des réseaux sociaux dans le débat public et même législatif. C’est bien sous la pression de ces réseaux que certains parlementaires se sont mobilisés pour rejeter ce texte. Reste à savoir si cela est lié au contexte préélectoral actuel ou si c’est une tendance sur laquelle il faudra compter à l’avenir.

Par Amyne Asmlal
Le 11/06/2021 à 20h50