Reprise des relations entre le Maroc et Israël, un tournant historique

Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale israélienne, Jared Kushner, conseiller principal à la Maison Blanche et le roi Mohammed VI au palais royal de Rabat, le 22 décembre 2020.

Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale israélienne, Jared Kushner, conseiller principal à la Maison Blanche et le roi Mohammed VI au palais royal de Rabat, le 22 décembre 2020. . DR

Revue de presseKiosque360. Les retombées de la déclaration conjointe signée entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël, commencent déjà à se sentir, principalement sur la question du Sahara. Les volets économique et humain suivront. Retour sur un évènement marquant.

Le 25/12/2020 à 18h31

Nul besoin de revenir sur les événements qui ont marqué cette journée du mardi 22 décembre. Les images de la visite de la délégation israélo-américaine et la signature de la déclaration conjointe entre le Maroc et les deux pays resteront marquées dans la mémoire des Marocains, qu’ils soient d’ici, d’Israël ou d’ailleurs. Cette journée marque un tournant historique, commente l’hebdomadaire La Vie éco dans son édition du 25 décembre.

Tout en cette journée est symbolique et renvoie à la profondeur et à l’exceptionnalité des liens qui unissent les juifs marocains d’Israël et leur pays d’origine. Le recueillement sur les tombes des deux défunts rois, Hassan II et Mohammed V, la manière dont le numéro deux de l’Etat d’Israël s’est exprimé devant le souverain et s’est adressé, plus tard, aux Marocains ainsi que la nature même de la déclaration conjointe et les personnalités qui l’ont paraphée en témoignent.

Nous sommes loin du début des années 90, lorsque le Maroc, dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient à peine engagé, avait décidé, en 1994, d’établir des relations officielles avec Israël avec l’ouverture à Rabat et Tel Aviv, d’un bureau de liaison. Mais, relève le quotidien, l’esprit est le même, soit la recherche de la paix, la stabilité et la prospérité de toute la région.

L’hebdomadaire, en passant en revue le contexte actuel, s’est particulièrement intéressé au document signé entre les trois parties. D’abord, contrairement au cas des trois pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu cette année, la signature de la déclaration conjointe, et non d’un accord de paix, a eu lieu à Rabat et non à Washington. La nature du document, lui-même, interpelle les observateurs. Il s’agit d'une déclaration qui, en droit international (Convention de Genève de 1969), n’est pas contraignante pour les Etats signataires et n’a pas la force juridique d’un traité, accord ou convention par exemple. Il s’agit, en fait, d’un engagement moral entre Etats.

Ce qui a encouragé certains analystes à supposer que la prochaine administration, qui prend les commandes dans quelques semaines, ne sera pas obligée de le respecter. C’est méconnaître les rouages du pouvoir aux Etats-Unis, note l’hebdomadaire citant des connaisseurs en la matière. Une telle éventualité ne tient pas non plus compte du pouvoir des lobbies juifs dans ce pays. «Les Etats-Unis, quelle que soit l’administration, ne prendront jamais le risque de mettre en cause les intérêts d’Israël», souligne l’hebdomadaire citant les mêmes sources. Cela d’autant que le texte est verrouillé au point que les intérêts du Maroc ne soient nullement menacés.

Autre détail, et non des moindres, relevé par La Vie éco: le fait que le Maroc ait signé une déclaration le met de facto en dehors du «deal du siècle» ou «l’accord d’Abraham». Ce n’est donc pas un tantième pays arabe qui normalise ses relations avec Israël. C’est un cas à part. Pour le reste, poursuit l’hebdomadaire, les Etats-Unis sont bel et bien en train de concrétiser leurs engagements, qui ont d’ailleurs été formulés lors de l’entretien téléphonique du 10 décembre entre le roi Mohammed VI et le président Trump. La déclaration conjointe porte en elle-même un début de concrétisation de la partie économique et financière. L’installation d’un consulat à Dakhla est également en cours.

Pour ce qui de l’autre volet, la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité pleine et entière du Sahara, le président Trump a rédigé une proclamation qui a été publiée, sans attendre, dans le registre fédéral (l'équivalent de notre de B.O). Quelques jours plus tard, la représentante permanente au Conseil de sécurité en a informé officiellement les membres de cette instance ainsi que le secrétaire général de l’ONU. Lundi, et lors d’une réunion du Conseil provoquée par l’Allemagne, les Etats-Unis ont exposé, pour la première fois devant cette instance, le bien-fondé et la justesse de la proclamation américaine du 10 décembre 2020.

Pour mesurer l’ampleur de cette victoire diplomatique pour le Royaume, il faut noter que pour ce qui est de la question du Sahara, le Conseil de sécurité a mis en place un mécanisme unique, le «Groupe des amis du Sahara», avec comme membres les Etats-Unis, la Russie, le Royaume Uni, la France et l’Espagne. Et au sein de ce groupe, ce sont les Etats-Unis qui se chargent de rédiger l’avant-projet de résolution relative à la question du Sahara, qui est adopté par le groupe avant d’être soumis au Conseil de sécurité. Et on sait par expérience combien ils peuvent influencer son contenu.

Bref, au-delà des retombées de cet événement sur le devenir de la question du Sahara, et sur le plan du développement économique de la région ainsi que sur le renforcement du statut du Maroc en tant que porte de l’Afrique, via l’initiative américaine «Prosper Africa», la reprise des relations entre le Maroc et Israël aura une incidence sur le tourisme et l’économie et même sur la politique locale. Il ne faut pas oublier, conclut l’hebdomadaire, qu’une fois la question du vote des MRE réglée, ce sont plusieurs centaines de milliers d’Israéliens, qui gardent toujours leur passeport marocain, qui pourront légalement voter aux prochaines élections.

Par Amyne Asmlal
Le 25/12/2020 à 18h31