Référendum en Catalogne: l’inconséquent silence de l’acteur Javier Bardem

Javier Bardem en compagnie d'Aminatou Haidar, porte-voix du séparatisme, lors de la présentation du Hijos de la Nubes.

Javier Bardem en compagnie d'Aminatou Haidar, porte-voix du séparatisme, lors de la présentation du Hijos de la Nubes. . DR

Très actif quand il s’agit de défendre «l’autodétermination du peuple sahraoui», l’acteur espagnol le plus célèbre du monde brille par son silence sur le référendum en Catalogne. Le principe des peuples à disposer d’eux-mêmes serait-il à géographie variable?

Le 05/10/2017 à 14h16

Acteur de grand talent, Javier Bardem collectionne les plus beaux rôles, en Espagne comme à Hollywood où il brille de mille feux. Il collectionne également les plus grandes distinctions: cinq prix Goya, un Oscar du meilleur second rôle en 2008 pour son interprétation de tueur froid et implacable dans No Country for Old Men, pour lequel il a également raflé un Golden Globe, un prix au Festival de Cannes pour Biutiful en 2010, deux fois meilleur acteur à la Mostra de Venise. Autant dire que le comédien a tout pour lui. Il fait le bonheur de la presse people qui le donne souvent à voir en compagnie de sa femme, la non moins célèbre actrice Penélope Cruz.

Plus qu’un grand comédien, Javier Bardem est aussi un acteur associatif. Son dada? «Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». Et c’est à ce titre qu’il fait une véritable fixation sur le Sahara marocain. Quitte à forcer le trait et exagérer les faits. Se sentant «responsable» de cette «cause», ce natif de Las Palmas multiplie les actions et autres prises de parole en faveur du séparatisme. En 2008, il se rend à Tindouf. En 2013, il sort Hijos de las nubes (Les Enfants des nuages), un documentaire qu’il a coproduit et dans lequel il raconte son attachement au Sahara occidental. Un attachement qu’il tient de sa mère, Pilar Bardem, également actrice et «militante». Il en profite pour faire le tour des plateaux télé et dénoncer la situation des droits de l’Homme au Sahara, tirant aussi bien sur le Maroc que sur la France et les Etats-Unis.

Javier Bardem est aussi l’organisateur d’un festival «international» du film au Sahara où il convie tous ses amis stars, espagnols mais aussi américains. Et il ne manque pas une occasion pour parler de SA cause devant les médias et les tribunes les plus en vue du monde. En 2012, c’était devant le Parlement européen et face à CNN, pour ne citer que ces deux exemples.

Sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, l’acteur ne cesse de faire des sorties, frôlant souvent le ridicule. En témoigne son tweet défendant l’indéfendable, à savoir Khadijetou El Mokhtar, autoproclamée ambassadrice de la chimérique RASD au Pérou, dont elle a été expulsée vers…l’Espagne.

Silence coupableSi la position ouvertement hostile de Javier Bardem envers le Maroc n’engage que son auteur, une question s’impose. Quand on est à ce point fervent militant des «droits des peuples à disposer d’eux-mêmes», ne doit-on pas être juste et le faire valoir en tout lieu, en tout temps et en toute circonstance? Le fait est que Javier Bardem limite ce principe au seul Sahara. Quand il s’agit du débat qui fait fureur en ce moment et qui concerne son propre pays, à savoir le référendum en Catalogne, il se mure dans un silence pour le moins coupable. Certes, en février dernier, il avait suggéré notamment au journal ABC, mais du boulot des lèvres, qu’il était favorable à l’indépendance de la Catalogne «si la majorité était de cet avis». Mais depuis, silence radio. Ceci, alors que tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis pour s’indigner. Dimanche 1er octobre 2017, le référendum d’autodétermination de la Catalogne a été interdit par Madrid. Et on ne peut pas dire que la manière y était.

Une vieille dame le visage en sang, des civils -dont nombre de femmes- tabassés sans raison, des policiers encagoulés se saisissant les urnes dans les bureaux de vote… Les images ont fait le tour du monde et nourri la contestation envers le pouvoir central espagnol, mené par Mariano Rajoy. Mais Javier Bardem, ainsi que d’autres comme lui qui cultivent une espèce de culpabilité postcoloniale envers le Sahara, n’ont toujours pas réagi.

Les principes, dont se proclame Javier Bardem, seraient-ils donc à géométrie et surtout à géographie variables? Tout porte à le croire s’agissant de l’acteur espagnol. Ceci, au mépris de la réalité et de la cohérence. La réalité aujourd’hui, c’est que la majorité des Sahraouis sont dans leur Maroc et qu’une minorité vit dans des camps où la répression n’a d’égal que la démagogie d’un autre temps, doublée de détournements d’aides, de corruption et de répression. Le tout, sous une chape de plomb orchestrée depuis Alger rendant impossible jusqu’au simple recensement de la population sahraouie qui vit dans les camps, estimée à 60.000 personnes au maximum.

Quand l’Espagne a quitté le Sahara occidental, il n’y vivait que 70.000 âmes selon un recensement officiel espagnol datant de 1975. En face, la Catalogne, elle, compte 8 millions d’habitants et constitue la véritable locomotive de l’économie espagnole. Grande comme la Belgique, la Catalogne est la région la plus riche d'Espagne et la 4e économie de la zone euro. Ce territoire ayant une langue et une culture propres représente 19% du PIB. Pourquoi Javier Bardem refuse-t-il de prendre part au débat sur l’indépendance de la Catalogne et faire valoir les principes qu’il martèle partout quand il s’agit du Sahara atlantique? Qu’est-ce qui justifie ce silence embarrassé et aux antipodes des positions de principe? L’unité de l’Espagne? Alors même que bon nombre de citoyens au sein d’une population riche, faut-il le répéter, de 8 millions d’habitants et dotée d’une identité forte aspirent à l’indépendance de la Catalogne? Tout cela est inconséquent et les vraies positions de principe résistent à toutes les épreuves, M. Bardem. Les principes qui s’appliquent aux autres et sont caducs chez soi ne mènent nulle part.

Par Tarik Qattab
Le 05/10/2017 à 14h16