Recul de l’Algérie en Afrique: les différents centres du pouvoir s’étripent au grand jour

Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal.

Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal. . DR

La presse algérienne n’a pas manqué de qualifier le Forum africain de l'investissement d'Alger de "véritable fiasco" et d’"atteinte à l’image de l’Algérie". Les prescripteurs d'opinion américains s’accordent pour leur part, à mettre en garde contre un avenir pour le moins "compliqué". Lecture.

Le 05/12/2016 à 19h01

La faillite doctrinale du régime algérien, dans un contexte marqué par une grande précarité institutionnelle, s'est traduite sur la scène africaine par un recul flagrant de l’aveu même du Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, qui a fait le constat de l’indigence des échanges bilatéraux d’Alger avec les pays africains, au moment même où le Maroc déploie sa projection multiforme sur le continent sans distinction géographique aucune.

Le déploiement de la stratégie marocaine en Afrique, sous le leadership du roi Mohammed VI, a ajouté à la nervosité du régime algérien dont les "cadors" ne cherchent plus à maquiller leurs divergences au sujet de l’étiolement de l’influence algérienne dans le continent africain, comme en témoigne la débandade qu’a connue ce weekend, à Alger, le Forum africain de l’investissement.

La presse algérienne, dans un accès de lucidité et de sobriété atypique, n’a pas manqué de qualifier cette rencontre de "véritable fiasco" et d’"atteinte à l’image de l’Algérie" après que le Premier ministre ait choisi de quitter la salle à peine son discours terminé, "sur fond de tensions entre les membres du gouvernement et le patron du forum des chefs d’entreprises".

Le "manque de cohésion" du régime algérien, toujours selon la presse de ce pays, se reflète aussi sur les rapports conflictuels qu’entretiennent le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et son collègue en charge des affaires maghrébines, de l’UA et la ligue arabe, Abdelkader Messahel.

Face à cette déliquescence du régime algérien, exacerbée par la précarité institutionnelle et l’attentisme qui prévalent en Algérie, les prescripteurs d’opinion américains s’accordent à mettre en garde contre un avenir pour le moins "compliqué", une transition politique "potentiellement violente", quand ils ne pointent pas du doigt un "anachronisme risqué", ou encore la "désaffection et la frustration populaires".

L’avenir des institutions algériennes s’annonce donc en pointillés sur fond de divisions entre les différents centres du pouvoir, comme révélé par les divergences nées du recul d’Alger sur la scène africaine, quant à la voie à emprunter afin de sortir le pays de sa crise institutionnelle chronique et éviter une transition politique "potentiellement violente".

Le flou et le manque de clarté institutionnelle, notamment eu égard à la succession à la tête de l’Etat, conjugués au non renouvellement de la classe politique font ressurgir le spectre d’une transition entre générations politiques hasardeuse et incontrôlée.

Les observateurs US notent que la chute des cours des hydrocarbures est loin d’être le seul mal dont souffre l’Algérie, expliquant que la production globale du pétrole et du gaz était déjà sur le déclin et que depuis 2006, une production en berne, la stagnation des réserves et la hausse enregistrée dans la consommation interne ont réduit le volume global des exportations des hydrocarbures.

Dans une analyse intitulée "l’exercice anachronique risqué du régime algérien", publiée par le think tank américain Carnegie endowment for peace, Isabelle Werenfels, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique à l’Institut allemand pour les affaires de sécurité internationale, estime que cette situation dangereuse enfonce le régime algérien dans un "anachronisme risqué".

Dans ce contexte, tranche-telle, "toute perspective de réformes est à écarter" sur fond de divisions profondes au sein de la classe politique et des centres de pouvoir en Algérie.

Ces divisions, explique-t-elle, "transpercent le parti du Front de libération nationale, ses satellites, l’ensemble de la famille révolutionnaire, ainsi que le lobby économique que constitue le Forum des chefs d’entreprises".

Les populations algériennes sont "préoccupées par la stabilité, craignent un retour aux violences des années 1990s", fait-elle observer, ajoutant que les défis auxquels l’Algérie doit faire face vont "des conflits ethniques à l’instabilité sociale, en passant par les menaces sécuritaires (…) et la volatilité des marchés internationaux des hydrocarbures, autant de facteurs qui mettent de plus en plus en péril la politique du gouvernement à acheter les loyautés pour faire taire les troubles sociaux".

Le New York Times met l'accent, pour sa part, sur un climat politique marqué par l’"exaspération" et la "frustration" populaires en Algérie, exacerbées par un taux de chômage stratosphérique caracolant à plus de 30%.

La faillite doctrinale du régime algérien participe de la même doctrine d'un système qui impose une chape de plomb sur le peuple algérien, étant intimement convaincu que l'ouverture lui serait fatale.

L'anachronisme et l’indigence de sa politique régionale et africaine renseignent sur l’état d’un régime en perte de vitesse, empêtré dans ses propres contradictions.

Fouad Arif

Le 05/12/2016 à 19h01