Moncef Marzouki: «nous ne pouvons pas sacrifier l’avenir de 100 millions de Maghrébins pour 200.000 Sahraouis»

Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, de 2011 à 2014. 

Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, de 2011 à 2014.  . DR

Moncef Marzouki, ancien président tunisien, a accordé une longue interview au quotidien «Al Quds Al Arabi», où il revient sur plusieurs questions d’actualité. Il s’est également exprimé sur les évènements d’El Guerguerat et la responsabilité de l’Algérie dans le blocage de l’essor du Maghreb.

Le 20/11/2020 à 10h46

Ce qu'il s’est dernièrement passé à El Guerguerat, quand le Polisario a investi cette zone, relève du terrorisme. Tel est, en tout cas, l’avis de l’ancien président tunisien Moncef Marzouki, qui s’est exprimé dans une longue interview qu'il a accordée au quotidien londonien «Al Quds Al Arabi». L'ancien chef d'Etat désigne nettement les instigateurs de cette opération terroriste. «Vous savez à quel point je suis Maghrébin, moi qui ai essayé et essaie d’aller de l’avant avec ce projet [le Grand Maghreb, Ndlr]. Mais il est clair que des puissances sont déterminées à faire avorter ce projet», explique Moncef Marzouki, avant d’expliciter davantage son idée.

«Chaque fois que nous avons pu avancer et trouver une solution logique au problème sahraoui dans le cadre de l’autonomie au sein du Maroc et de l’Union d’un grand Maghreb, il s’est toujours trouvé des puissances pour perpétrer des frappes terroristes et pour tout faire échouer», affirme l’ex-président tunisien. 

Pour Moncef Marzouki, les commanditaires de ces actes terroristes du Polisario sont bien connus. «J’ai l’espoir que le changement que connaîtra l’Algérie avec de nouveaux dirigeants, le Hirak et la démocratie va nous donner une nouvelle génération de leaders qui auront le courage de comprendre que cette politique qui nous a fait perdre quarante ans doit être abandonnée et qu’on doit initier une autre phase positive pour rapprocher les peuples», détaille celui qui, voici un an, a décidé de mettre sa carrière politique en sourdine.

«Nous ne pouvons plus sacrifier l’avenir de 100 millions de Maghrébins pour 200.000 Sahraouis qui peuvent vivre dignement dans une union maghrébine et dans une autonomie au sein de l’Etat Marocain», assène Moncef Marzouki, qui se prononce contre la division des Etats.

«Si nous acceptions cela [le fait de diviser le Maroc, Ndlr], qui interdirait demain des revendications pour diviser l’Algérie et la Tunisie?», s’interroge Moncef Marzouki. 

«Malheureusement, nous avons été les otages d’un groupe du régime contre lequel s’est soulevé le peuple algérien», affirme-t-il en formulant l’espoir que cette page soit tournée avec une nouvelle génération de dirigeants à Alger. 

Le silence de Tunis et de NouakchottInterrogé sur les raisons de la neutralité de la Tunisie et de la Mauritanie dans le dossier du Sahara, l’ex-président tunisien répond que cette neutralité «n’a plus de sens et n’est plus possible».

Moncef Marzouki revient ensuite à la charge pour dire que la solution au conflit du Sahara passe par l’autonomie, dans le cadre de la souveraineté du Maroc.

«Cela a toujours été ma position», affirme l’ex-leader tunisien, qui dévoile que cette position lui avait attiré l’inimitié de l’ancien régime algérien. «Depuis le début de la révolution, et jusqu’à mon départ du gouvernement, l’attitude de l’ancien régime algérien à mon égard était très négative, pour ne pas dire plus. Pourquoi? Ils savaient que ma position et celle de la Tunisie était de ne pas partager la vision qu’a l’Algérie du dossier du Sahara», explique Moncef Marzouki.

L’ancien président tunisien explique comment, lors de son mandat, il avait essayé de réunir les dirigeants maghrébins pour discuter de l’avenir de la région et qui avaient tous accepté à l’exception des Algériens. «Les mauvais calculs et les anciennes rancunes ont tout fait capoter», ajoute-t-il.

Il dit quand même garder l’optimisme quant à l’avenir de l’Algérie et des Algériens. «Je suis convaincu que dans dix ans, l’Algérie sera différente avec le renouvellement de sa classe politique», affirme Moncef Marzouki, qui estime que l’épouvantail de l’Etat dominé par les renseignements militaires est «mort dans l’esprit et le cœur des Algériens».

En somme, il faut espérer que le régime gérontocrate qui s’accroche actuellement au pouvoir en Algérie finira par mourir de sa belle mort pour que la page du conflit factice du Sahara soit enfin tournée, et que tous puissent ouvrir celle de l’unité des pays du Maghreb.

Par Mohammed Boudarham
Le 20/11/2020 à 10h46