Mauritanie: le régime algérien compte-t-il déstabiliser le pouvoir de Ghazouani?

Mohamed ould Cheikh El-Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie. 

Mohamed ould Cheikh El-Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie.  . DR

Le tandem Algérie-Polisario a encore choisi le mauvais moment en vue de mettre la pression sur la Mauritanie. Après avoir imposé un blocus économique de près de trois semaines à ce pays, le Polisario y envoie des émissaires pour le mettre en garde contre un prétendu non-respect des «frontières».

Le 24/11/2020 à 11h30

Présent depuis la matinée de vendredi dernier à Nouakchott, sans que sa visite ne soit annoncée par aucun média algérien ou mauritanien, le chef de la diplomatie du Polisario a finalement été reçu par le président mauritanien, ce lundi 23 novembre, premier jour d'un deuil national dans le pays, suite au décès de l’ancien président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi. D’ailleurs, c’est à son retour de ces funérailles que le chef de l’Etat mauritanien a reçu ce membre du Polisario.

Selon certains médias mauritaniens, cette visite, qui intervient à un moment où la colère des Mauritaniens contre le Polisario est toujours vivace, a été négociée dès que les «coupeurs de routes» du Polisario ont été délogés d’El Guerguerat par les FAR.

Une opération immédiatement suivie de l’édification d’un mur de sécurité qui va jusqu’à la frontière avec la Mauritanie. C’est justement cette jonction définitive au niveau des frontières des deux pays voisins qui enrage le Polisario, et qui l’a poussé à informer les autorités mauritaniennes qu’il comptait leur envoyer une délégation en vue de «discuter de certains points urgents». Une autorisation pour ce faire leur a été accordée en début de semaine dernière, ainsi que leur entrée en territoire mauritanien qui leur a été fixée au niveau du passage frontalier avec l’Algérie.

Mais en fait, hier, lundi 23 novembre, des discussions, il n’y a vraiment pas eu, puisque l’émissaire de Brahim Ghali s’est contenté de remettre une lettre au président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Il s’avère que cette missive s’inscrit dans la droite lignée des récentes déclarations du chef du Polisario, qui affirmait, en pleine crise d’El Guerguerat, qu’en cas de déclenchement d’une guerre au Sahara, «c’est la Mauritanie qui paiera le plus lourd tribut», sous-entendant ainsi que Nouakchott devait cesser ses échanges terrestres avec le Maroc, sinon elle subirait les représailles du Polisario et de l’Algérie.

En tout cas, à sa sortie d’audience avec le président mauritanien, l’émissaire du Polisario a livré une déclaration sans équivoque quant au contenu de la lettre de Brahim Ghali. Selon lui, le Polisario «estime que la stabilité et la sécurité dans la région sont liées au respect des frontières(…)» et «s’attellera toujours à ce que la paix soit basée sur la justice, sur le respect des frontières et l'intégrité territoriale de toutes les composantes de la sous-région».

En clair, l’émissaire de l’entité fantôme de Rabouni est venu à Nouakchott pour parler de «frontières», dans le seul but de contester à la Mauritanie son droit légitime et souverain d’avoir une frontière commune avec son voisin marocain.

Suite à de telles déclarations, il est à craindre qu’après avoir échoué à fermer le passage commercial d’El Guerguerat, comme ils le planifiaient, l’Algérie et le Polisario ne se lancent dans une manœuvre de déstabilisation de la Mauritanie.

Ils comptent ainsi mettre la pression sur ce que Houari Boumédiène avait appelé, en désignant la Mauritanie, le «maillon faible» du conflit saharien. Ils y voient encore un moyen de perturber le trafic commercial sur l’axe international Tanger-Lagos. Il subsiste une inconnue: de quelle manière comptent-ils s'y prendre? Si une déstabilisation «à la malienne» n’est pas à écarter, vu les connexions entre le Polisario et les groupes terroristes opérant au Sahel et souvent dirigés par des Algériens, l’option d’un soutien à des opposants au pouvoir actuel est beaucoup plus plausible. Car fomenter des putschs en Mauritanie, l’Algérie en a déjà l’expérience.

Mais face à la grave crise que traverse le régime d’Alger, avec un président transféré en Allemagne depuis le 28 octobre et rien, absolument rien, n’augure de sa rémission. Ajoutons à cela la débâcle diplomatique de l’Algérie dans la crise d’El Guerguerat. La quasi-totalité des pays dans le monde ont soutenu le Royaume du Maroc, mettant l’Algérie face à un miroir qui lui renvoie un cinglant démenti de sa prétendue «puissance régionale», que le régime des généraux ne cesse de proclamer sans que personne ne soit dupe, y compris à l’intérieur de l’Algérie.

Cette Algérie, dont tous les départements sont paralysés et dont les renseignements n’ont pas su anticiper ou avertir sur l’intervention militaire des FAR pour rétablir l’ordre à El Guerguerat, focalise, aujourd’hui, sa colère contre le patron du Polisario, Brahim Ghali, qui aurait poussé le bouchon un peu trop loin à El Guerguerat, sans en avoir mesuré les conséquences. Le régime d’Alger chercherait d’ailleurs à se débarrasser de Brahim Ghali, dont le maintien à la tête de la direction du Polisario ne tiendrait qu’à l’absence du président Tebboune.

Donc si Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani est averti de la menace du Polisario et de l’Algérie, il n’est pas sûr que ce tandem dispose, dans le contexte actuel, de moyens à même de pouvoir traduire ses intentions en actes. 

Par Mohammed Ould Boah
Le 24/11/2020 à 11h30