L’invalidation de la candidature d’El Kabbadj entre Al Ahdath et Akhbar Al Yaoum

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Revue de presseKiosque360. Le rejet de la candidature du salafiste Hmad El Kabbadj à Marrakech est-elle une entorse à la loi ou un acte pour préserver et sauvegarder la démocratie ? Les éditorialistes d’Al Ahdath Al Maghribia et Akhbar Al Yaoum reviennent sur la question dans leurs éditions du week-end.

Le 16/09/2016 à 20h25

L’invalidation par le ministère de l’Intérieur de la candidature du Cheikh salafiste, Hmad El Kabbadj, dans la circonscription de Gueliz-Menara à Marrakach, n’a pas laissé indifférent ! La presse y consacre ses Unes mais aussi ses éditos pour les éditions de ce week-end des 17 et 18 septembre.

Ainsi, l’éditorialiste d’Akhbar Al Yaoum n’a évidemment pas laissé échapper l’occasion sans dire tout ce qu’il pense de l’Intérieur et de ses cadres et auxiliaires, du wali au simple moqaddam. Dans son édito intitulé «Démocratie du wali», le directeur du journal, réputé proche de Abdelilah Benkirane, s’est demandé sur un ton plein d’ironie comment les services du ministère de l’intérieur ont pu, en seulement 24 heures, faire une enquête, plancher sur toute la production du Cheikh salafiste, entre livres, vidéos, fatwas, discours et positions et d'en conclure qu’il n’est pas apte à se présenter aux élections. Comment en un temps record cette «commission d’inquisition» créée ad hoc et qui a étudié son dossier de candidature, a pu établir que ses positions et ses idées sont contre les principes fondamentaux de la démocratie ? s’interroge-t-il.

En se lançant sur le même ton ironique, il se demande sur la base de quel texte juridique les services de la wilaya ont-ils procédé à cette enquête administrative et sur quels critères les enquêteurs se sont fondés pour juger la «pensée» d’El Kabbadj et conclure qu’elle est antidémocratique. Le wali a-t-il équipé ses enquêteurs de «baromètres» pour mesurer le degré de démocratie du cheikh ? Autant de questions et bien d’autres avec lesquelles l’éditorialiste tente de prouver l’«absurdité» de cette mesure.

Pour l’éditorialiste d’Al Ahdath Al Maghribia, ce genre d’analyses reste superficiel. La vraie question à poser, estime-t-il, c’est pourquoi un cheikh salafiste, au demeurant un citoyen marocain qui jouit de tous ses droits, s’est décidé subitement à s’intéresser à la politique, après tant d’années passées dans la prédication et l’appel au droit chemin. Comment s’est-il découvert spontanément des penchants de politicien et s’est mis dans la tête d’user de ses talents de prédicateur dans l’Hémicycle ?

La réalité, note-t-il, est que l’homme a décidé d’enlever l’aura du cheikh et se défaire de la probité du lauréat de «Dar AlQuoraan» pour endosser la casquette du politicien avide de gain et de privilèges.

Par ailleurs, ce qui rend légitime toute cette polémique, surtout après que le PJD a décidé d’emprunter un élément du courant salafiste dont les membres passent le clair de leurs journées à excommunier les uns et dicter leur mode de vie aux autres, c’est le parti qui a agi ainsi pour en faire un coup destiné à ses adversaires politiques. Ou du moins ce qu’il pensait faire.

Poussant l’ironie un peu plus loin, l’éditorialiste d’Akhbar Al Yaoum, lui, affirme que ce jour durant lequel a été prise la décision est un jour de fête, non seulement pour les Marrakchis, mais également pour tous les Marocains. Un jour de fête puisqu’on a pu voir que le ministère de l’Intérieur, souvent accusé d’entraver la démocratie, s’est transformé en un fervent défenseur de celle-ci.

«Estimez-vous heureux, Marocains, dit-il, puisque l’Intérieur va vous débarrasser de tous les ennemis de la démocratie qu’ils soient salafistes, islamistes, communistes… L’Intérieur, en serviteur du peuple et de la démocratie, vous évite la peine de choisir entre les candidats du PJD et du PAM puisqu’il le fait pour vous et à votre place. Il choisit pour vous ceux qui sont aptes à disputer ces élections et décidera de qui parmi eux a pu atteindre le seuil de la démocratie et ceux qui sont en dessous ».

Et sans se défaire de son ton ironique, il conseille à ceux qui seront tentés de prendre la défense du candidat du PJD, qu’ils soient des brigades électroniques du parti ou autres, de s’en abstenir. Ils risqueraient autrement d’être catalogués de perturbateurs de l’expérience démocratique marocaine. Au lieu de cela, il leur suggère d’aller à la justice parce qu’elle est indépendante et ses procédures et jugements sont on ne peut plus démocratiques.

Un raisonnement pour le moins réductible et populiste puisque, pour citer Al Ahdath, personne n’a reproché, jusque-là, au PJD de présenter comme candidats des notables, ce qu’il considérait comme une hérésie, ni encourager la transhumance qu’il jugeait naguère nuisible à l’action politique, encore moins de présenter comme tête de liste un chef de parti politique. Il est de son droit de faire tout cela puisque, ce faisant, il croit pouvoir augmenter ses chances électorales.

Cependant, est-il dans son droit de présenter un candidat antisémite, qui appelle à l’extermination des juifs, tous sans exception, un candidat qui ne voit en la femme que la nudité, la tentation et la débauche, un cheikh qui encourage le «mariage coutumier» … ? Est-il dans le droit du PJD, conclut l’éditorialiste d’Al Ahdath Al Maghribia, de présenter un candidat dont l’«école» qu’il a dirigée un temps n’a produit aucun alem ou homme de religion qui s’est fait connaître par sa défense de l’islam tolérant, modéré et ouvert, un candidat dont l’un des disciples s’est distingué en tant que chef de guerre, membre de Daech, en Libye avant de se faire tuer pendant l’une des batailles livrées sur le sol libyen. En quoi le porteur de ce genre de pensées et de positions pourra-t-il enrichir l’exercice démocratique et l’action parlementaire dans notre pays ? Telles sont les vraies questions à poser. 

Par Amyne Asmlal
Le 16/09/2016 à 20h25