Législatives 2016: le parti des abstentionnistes

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Ce qui s’est passé ce 7 octobre nous interpelle à plusieurs niveaux, à commencer par ces Marocains et Marocaines qui se sont fâchés pour de bon avec les urnes.

Le 08/10/2016 à 11h51

Ni le PJD, ni le PAM n’ont remporté le scrutin législatif du 7 octobre même avec leurs scores respectifs de 125 et 102 sièges. Le parti qui a «remporté» les élections est bien celui des abstentionnistes qui représentent 57% des Marocains... inscrits.

Si on additionne ceux, des millions, qui ne sont carrément pas inscrits sur les listes électorale, on a une idée de ce que représente le parti des indifférents, ceux qui ont définitivement déserté les urnes. 

Plafond de verre

Le PJD a-t-il alors gagné les élections? Oui, mais il a atteint son plafond de verre. Son électorat naturel, ses «kata’ib», a fait preuve d’une discipline stalinienne, mais le parti islamiste semble avoir touché les limites de ce qu’il peut glaner.

Son projet de société génère des résistances et des inquiétudes. Comment en peut-il être autrement quand on brandit, en pleine campagne, des drapeaux noirs semblables à ceux de Daech?

Ce qu’il a glané en plus par rapport à 2011, il l’a puisé chez les aigris, ceux et celles mécontents des partis de la gauche et des partis traditionnels.

Quant au PAM, lui aussi semble avoir atteint ses limites. En dépit d’une campagne très agressive où il a pesé de toutes ses forces, il n’a pas réussi à dépasser d’une tête le PJD.

Résultat: on se retrouve avec une bipolarité forcée et on finit par réduire tout à un face-à-face PJD/PAM. Est-ce une bonne chose pour l’évolution du modèle démocratique du pays? Peu sûr. Le Marocain, très minoritaire quand il prend la peine d’aller voter, ne saurait être pris entre le marteau et l’enclume.

Bye bye la gauche!

Les Marocains ont sanctionné aussi les partis traditionnels et ceux qu’on dénommait les «partis de l’Administration». L’offre politique sur «le marché» n’a plus rien d’attrayant. Les hizbicules ont coulé. La sélection naturelle a fonctionné.

Mais l’hécatombe est celle de la gauche. Le PPS a pris une claque monumentale. L’USFP de Driss Lachgar est en deuil. Les deux chefs de ces partis assumeraient-ils leur responsabilité respective en rendant le tablier? Peu sûr dans un pays où la culture de la reddition des comptes ne fait pas partie de nos us et où tout le monde s’accroche à n’importe quel prix.

Reste éventuellement l’espoir, celui de la FGD qui a bénéficié d’un élan de sympathie guère suffisant. Il faudra éventuellement laisser le temps aux camarades de Nabila Mounib, les juger sur pièce, et attendre le prochain scrutin législatif.

Toujours est-il que le constat reste alarmant. Les Marocaines et les Marocains ne s’intéressent pas à la politique. A quoi bon ? semble penser la majorité écrasante. Cette indifférence est une claque pour tous les partis, y compris le PJD, arrivé en tête des élections avec la légitimité des urnes, mais sans la légitimité des suffrages. Il reste ainsi aux autres partis à faire un travail considérable en vue de convaincre la majorité indifférente à prendre part à la vie politique.

Par Mohammed Boudarham
Le 08/10/2016 à 11h51