L'éclairage de Adnan Debbarh. L’opposition, autrement

Adnan Debbarh.

Adnan Debbarh. . khalil Essalak / Le360

Depuis la constitution du gouvernement Akhannouch, l’opposition parlementaire semble éprouver de la peine à établir ses repères. Les partis politiques la composant, à l’exception du PJD qui s’est auto-exclu au départ, ayant été invités «contre leur gré» à assumer le rôle d’opposant. Rôle considéré depuis des années comme ingrat par la plupart.

Le 25/05/2022 à 17h23

Pratiquer l’opposition au-delà d’éloigner nombre d’avantages, n’assure pas une grande visibilité. Est-ce une raison pour ne pas faire le travail et rentrer dans une bouderie? Il faut dire que des quatre partis poussés vers l’opposition (USFP, PPS, MP et UC), aucun n’avait, suivant leurs lectures, de raisons valables pour s’opposer au gouvernement en formation.

La base de ce qui était le futur programme gouvernemental était le nouveau modèle de développement (NMD), un document auquel ils avaient, plus ou moins, contribué et l’avaient adopté comme feuille de route. Le NMD était devenu leur patrimoine commun. Reprendre son contenu sans faire participer certains de ses «co-auteurs» a été vécu comme une dépossession. Cette situation a été durement ressentie notamment par le l’USFP et le PPS, au vu de la composante sociale ambitieuse du programme gouvernemental. Prôner l’Etat social, c’est reprendre sous une forme plus élaborée, nombre de leurs revendications sociales essentielles.

Que faire à présent pour ces partis? Sachant que notre vie parlementaire a besoin, au-delà du contrôle de l’exécutif et de la production législative, d’un débat contradictoire de qualité, de nouvelles propositions, de solutions alternatives en idées et en hommes. Sachant également que le budget de l’Etat, en d’autres termes le contribuable, finance le fonctionnement des partis politiques, leurs campagnes électorales et paie les parlementaires avec l’objectif d’assurer un encadrement et une animation de qualité de la vie politique nationale, afin d’inciter l’électeur à aller voter et crédibiliser d’avantage nos choix démocratiques.

Il est vrai qu’en termes idéels, le programme gouvernemental, aidé par le NMD, a pratiquement fait le tour des attentes des Marocains: favoriser les activités créatrices d’emplois, assurer une protection sociale au citoyen, développer les territoires et porter une attention particulière à la culture. La marge de manœuvre laissée à nos partis d’opposition s’est rétrécie. Ils étaient habitués aux envolés lyriques et aux mots d’ordre.

L’UC, consciente de ses modestes moyens, a opté pour un soutien critique au gouvernement. Le MP, éternel participant aux divers gouvernements, n’ayant pas de programme, se cherche dans cette nouvelle posture. Le PJD, quant à lui, sonné par l’ampleur de sa défaite, ne disposant pas d’un groupe parlementaire, n’ayant pas capitalisé sur son passage au gouvernement et ayant perdu son principal soutien dans la société civile -le Mouvement Unicité et Réforme-, pratique la fuite en avant à travers la tenue de propos orduriers pour occuper la scène médiatique.

Restent l’USFP et le PPS. Les «emprunts» à leurs programmes devraient être motif de satisfaction pour eux. N’ont-ils pas été créés d’abord pour assurer des avancées sociales? Leur attitude teintée de contrariété n’interpelle-t-elle pas un grand questionnement: quel est le rôle d’un parti d’opposition dans ce pays? D’abord rappelons une évidence, une opposition parlementaire dynamique et efficace contribue à la stabilité politique et au développement de la démocratie, ce qui est un objectif commun de tous les Marocains.

Il est tout à fait légitime qu’un parti politique puisse avoir pour ambition de participer à l’exercice du pouvoir pour appliquer son programme. Toutefois si les électeurs en décident autrement, en lui refusant la majorité, il se place dans l’opposition. Fonction, si elle est pratiquée correctement, qui peut être d’une grande utilité pour le Maroc.

Depuis quelques années, la qualité du débat au sein du Parlement, de l’avis de plusieurs observateurs, a laissé à désirer. En cause essentiellement, la faiblesse de l’offre gouvernementale. Avec ce gouvernement au programme riche, il y a matière à débattre et à proposer, pour l’opposition. Charte de l’investissement, réforme fiscale, lois sociales (grève et flexibilité), appuis aux plus précaires, lutte contre l’informel, réforme de l’enseignement, souveraineté sanitaire, souveraineté alimentaire, souveraineté énergétique, politique de l’eau, politiques sectorielles, attractivité des territoires, politique culturelle, budget 2023... Voilà quelques thèmes sur lesquels l’opposition peut faire des propositions, voire avancer des alternatives à l’occasion d’interpellations ou de discussions de projets de lois au sein du Parlement.

Et l’opposition ne s’exerce pas uniquement au sein du Parlement, les propositions doivent inclure d’autres niveaux territoriaux: régions et communes.

L’opposition dispose de plusieurs espaces, dont certains reçoivent même des aides de l’Etat, pour exprimer ses idées, et acquérir plus de visibilité. Il suffit que ses propositions soient disponibles et de qualité, et elles finiront par toucher un large public.

Il lui appartient de pratiquer l’opposition autrement.

Par Adnan Debbarh
Le 25/05/2022 à 17h23