Le lobbying du Secrétariat général de l’ONU n’a pas abouti auprès du Conseil de sécurité

Jeffrey Feltman prêtant serment après sa désignation le 11 juin 212, secrétaire général adjoint aux Affaires politiques de l'ONU.

Jeffrey Feltman prêtant serment après sa désignation le 11 juin 212, secrétaire général adjoint aux Affaires politiques de l'ONU. . dr

Le secrétariat général de l’ONU a mené une importante action de lobbying auprès du Conseil de sécurité pour tenter d’amener le Maroc à revenir sur sa décision relative à la réduction significative de la composante civile de la Minurso. L’effet escompté de cette action n’a pas été obtenu. Eclairage.

Le 18/03/2016 à 22h07

Une séance tendue s’est tenue, hier jeudi 17 mars, au Conseil de sécurité, sur fond de passe d’armes entre le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et les autorités marocaines. Le briefing prévu par le Secrétariat général de l’ONU au profit du Conseil de sécurité, a été précédé par une action de lobbying menée auprès des 15 membres de cette instance décisive des Nations unies, notamment les 5 membres permanents (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Chine et Russie), pour tenter de faire revenir le Maroc sur sa décision de «réduire de manière significative» la composante civile et politique de la Mission de l’ONU au Sahara (Minurso). Cette action de lobbying a été dirigée et mise en exécution par le secrétaire général adjoint des Nations unies aux Affaires politiques, l’ancien diplomate US Jeffrey Feltman, dont l’hostilité envers l’intégrité territoriale du Maroc est un secret de polichinelle. C’est ce même Jeffrey Feltman (ancien sous-secrétaire des Etats-Unis pour le proche-Orient) qui s’est chargé de «briefer» les membres du Conseil de sécurité. Un lobbying tenace, en vue de conduire les membres du Conseil de sécurité à adopter une position contre le Maroc.

Mais avant d’en arriver là, et dans une parfaite distribution des rôles, le staff du SG de l’ONU a mené une sorte de pré-campagne, -presque du porte-à-porte- , auprès non seulement des membres du Conseil de sécurité mais aussi les journalistes accrédités auprès de l’ONU. Et c’est Stéphane Dujarric, porte-parole du SG de l’ONU, qui en a annoncé la couleur à travers une séance de «briefing» où il a été plutôt question de rameuter le commun des «historiens de l’instant» contre les décisions prises par le royaume du Maroc en représailles contre les propos biaisés tenus par Ban Ki-moon au sujet du Sahara, le 5 mars à Tindouf, qualifiant ainsi d’«occupation» le recouvrement par le Maroc de son intégrité territoriale. «La Mission permanente du Maroc a transmis au Secrétariat général une liste de 84 membres du personnel civil international de la Minurso et de l’Union africaine qui, je cite, «doivent quitter le Royaume du Maroc en l’espace de trois jours», s’est alarmé le porte-parole du SG de l’ONU.

Stéphane Dujarric s’est même substitué à tout le monde en prétendant que «à la surprise générale, on décide de retirer des agents d’une mission d’une partie du monde aussi difficile que le Sahara». Et de commenter à l’adresse des journalistes : quand on dégraisse la Minurso de 84 membres, «cela devient difficile". Voire «Impossible». «Lorsque vous êtes invités à retirer des chauffeurs, des agents chargés de la sécurité des vols, des techniciens de climatisation, des experts de communication, voire des conseillers politiques, il devient pratiquement impossible pour une mission de remplir son mandat, à long terme».

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Dans ce concert de cris d’orfraie, le porte-parole du SG de l’ONU est même allé jusqu’à pointer du doigt un «précédent» dans les annales des missions de maintien de la paix à travers le monde. «Ce que nous avons vu est sans précédent. Il y avait, par le passé, des problèmes avec des pays hôtes ou qui exercent un pouvoir de facto sur la région où sont stationnées des missions (Ethiopie, Tachad). Les décisions concernant ces problèmes ont été prises de manière plus consensuelle et mises en œuvre dans un délai de six mois. Cela ne pose pas seulement un challenge en matière de logistique, mais affecte le cœur même du mandat de la Minurso».

Au fond, ce qui inquièterait outre mesure le Secrétariat général de l’ONU, c’est de voir la Minurso vidée de sa substance politique, sachant que la mission des casques bleus chargés de veiller au respect du cessez-le-feu a été épargnée par les mesures de rétorsion prises par le royaume. Les militaires restent en place et le Maroc n’a pas demandé leur retrait.

Réponse du berger à la bergère: une bonne partie du staff politique de la Minurso, au sein duquel siègent trois membres de l’Union africaine, ceux-là mêmes qui ont accompagné Ban Ki-moon à Tindouf, et qui veilleraient sur le défunt «référendum d’autodétermination», se voient «priés» de plier bagages et rentrer à New-York. Une réponse intelligente de la part des autorités marocaines aux dérapages inadmissibles commis par Ban Ki-moon le 5 mars à Tindouf. Ban Ki-moon, par qui ce scandale est arrivé, ne se serait peut- être pas rendu compte qu’une telle dérive compromettait l’essence même de sa mission en tant que fonctionnaire onusien tenu par une obligation de neutralité et d’impartialité. Il a poussé son aveuglement jusqu’à vouloir se substituer à la volonté du peuple marocain en criant, étrangement quand les Marocains sont sortis dans la rue, au «manque de respect de la part du Maroc» à l’égard de sa propre personne. De quel droit le SG de l’ONU se permet-il d’en vouloir à un peuple sorti spontanément exprimer sa colère contre un acte délibérément hostile à son intégrité territoriale? Il est où ce sacro-saint droit à la liberté d’expression défendu par l’ONU elle-même?

Mais passons, car il semble que le sort de ces 84 membres du personnel de la Minurso invités à quitter le royaume vaudrait mieux que 35 millions de Marocains blessés par les propos biaisés et délibérément tendancieux de Ban Ki-moon au sujet de leur Sahara. «Le brieffing de M. Feltman au Conseil de sécurité sera critique parce que nous avons bien informé le Conseil des implications de ce qui est arrivé à une mission que lui-même a créée», a lancé aux journalistes le porte-parole du SG de l’ONU, S. Dujarric, estimant que «c’est une mission vis- à-vis de laquelle le Conseil de sécurité entretient une responsabilité collective». Le but de la manœuvre est clair : pousser le Conseil de sécurité à défendre la Minurso, dont il détient la paternité.

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Seulement voilà, le lobbying engagé par le SG de l’ONU sur une déclaration «drastique» à l’encontre du Maroc n’a pas abouti. Et ce n’est surtout pas cette sortie du président du Conseil de sécurité pour le mois de mars, l’ambassadeur de l’Angola, qui dira le contraire. Dans une déclaration à la presse, à l’issue de la réunion du Conseil au sujet des derniers développements concernant la Minurso, Ismaël Gaspar Martins a exprimé, au-delà de la «préoccupation de l’ensemble des membres du CS» quant à ces développement, la détermination de cette instance à «poursuivre, sur le plan bilatéral, notre engagement afin de veiller à ce que la situation se stabilise en ce qui concerne le mandat de cette mission». A l’évidence, il s’avère que la position du secrétariat général de l’ONU et celle du Conseil de sécurité demeurent éloignées.

Autrement dit, ce que le SG de l’ONU cherchait à obtenir du Conseil de sécurité, c’est-à-dire une déclaration «musclée» pour amener le royaume à rétropédaler sur sa décision, il ne l’a pas eu. Mieux encore, des voix au sein du Conseil de sécurité, ont saisi l’occasion pour réaffirmer leur soutien à l’initiative marocaine pour octroyer un statut d’autonomie au Sahara. Cette action de lobbying du secrétariat général de l’ONU envers le Conseil de sécurité dépossède Ban Ki-moon et son cabinet de leur mission de facilitateurs dans le conflit du Sahara atlantique.

Ban Ki-moon repart lui-même à l'assaut des 15 membres du Conseil de sécurité. Lundi prochain, le SG va déjeuner avec les ambassadeurs du Conseil de sécurité. La crise avec le Maroc sera "en tête de l'ordre du jour" du déjeuner informel mensuel avec les 15 ambassadeurs du Conseil lundi, a souligné ce vendredi son porte-parole Stéphane Dujarric. Ban Ki-moon espère ainsi arracher le soutien que lui a refusé, hier, le Conseil de sécurité. Un acharnement peu digne d'un responsable de son rang et qui en dit long sur l'animosité, désormais à découvert, du SG et de son staff en direction du royaume.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 18/03/2016 à 22h07