Le journal Le Monde explique comment la Tunisie de Kaïs Saïed a été vassalisée à l'Algérie

Les présidents tunisien Kaïs Saïed et algérien Abdelmadjid Tebboune.

Les présidents tunisien Kaïs Saïed et algérien Abdelmadjid Tebboune. . DR

Revue de presseKiosque360. L’accueil réservé récemment au chef du Polisario par le président tunisien, Kaïs Saïed, est une entorse à la neutralité traditionnelle de la Tunisie dans le dossier du Sahara. La faute aux pétrodollars, consentis parcimonieusement par le régime algérien, explique un article du quotidien Le Monde dont est tirée cette revue de presse.

Le 16/09/2022 à 09h36

Dans un article publié sur son site ce jeudi 15 septembre 2022, sous le titre «L’ombre portée de l’Algérie sur une Tunisie fragilisée», le quotidien français «Le Monde» revient sur la crise diplomatique qui a éclaté au grand jour entre Rabat et Tunis, suite à l’accueil inattendu, réservé par le président tunisien, Kaïs Saïed, au chef des séparatistes du Polisario, Brahim Ghali, lors du récent TICAD 8, ou sommet nippo-africain, réuni à Tunis le 26 août dernier.

Cette «crise diplomatique entre Rabat et Tunis», écrit le journal français, «se nourrit de l’emprise croissante d’Alger sur son petit voisin oriental en quasi-banqueroute financière». Tout est dit: le régime algérien profite à fond de la crise économique qui sévit en Tunisie, doublée d’une crise politique sans issue, pour lui acheter son nouveau positionnement sur le dossier du Sahara, quitte à créer une nouvelle fissure dans le fragile édifice maghrébin.

La colère marocaine contre le président tunisien «est vouée à durer, jetant une ombre sur les équilibres stratégiques d’un Maghreb à la stabilité déjà fragilisée par la fracture algéro-marocaine», explique «Le Monde», puisque le président tunisien, aux yeux de Rabat, a franchi «la ligne rouge des convenances diplomatiques en accordant un accueil digne d’un chef d’Etat» à Benbatouche, le chef des séparatistes du Polisario.

«Le Monde» ajoute que cette erreur protocolaire est qualifiée d’«attitude hostile et préjudiciable» par Rabat qui a immédiatement rappelé son ambassadeur à Tunis, alors que l’accord de libre-échange qui lie les deux pays maghrébins depuis bientôt un quart de siècle, et qui profite beaucoup plus à la Tunisie qu’au Maroc, risque d’être suspendu.

L’heure n’est donc pas à l’apaisement, car le Maroc est désormais convaincu, depuis l’arrivée de Kaïs Saïed au pouvoir en 2019, que «la Tunisie a clairement perdu sa souveraineté en matière de politique étrangère… Il est clair que le régime algérien lui dicte désormais sa volonté, en tout cas sur le dossier du Sahara», explique une expert marocain en stratégie militaire, cité par «Le Monde».

L’attitude de Kaïs Saïed est d’autant plus inexplicable que les relations entre le Maroc et la Tunisie n’ont jamais connu la moindre anicroche depuis leur indépendance en 1956. 

«Le Monde» rappelle l’épisode de Gafsa en 1980 quand le Maroc a accouru au secours de Habib Bourguiba que les régimes algérien et libyen ont tenté de renverser. Le journal ajoute qu’en «2014, alors que l’inquiétude montait sur la fragilité de la Tunisie post-révolutionnaire, le roi Mohammed VI s’était promené dans les rues de Tunis dans un geste visant à rassurer sur la stabilité du pays… La crise du Covid-19 rapprocha à nouveau les deux Etats, Rabat fournissant en juillet 2021 aux Tunisiens un hôpital de campagne».

Mais le nouveau président tunisien aura la mémoire courte en commettant déjà, en octobre 2021, un geste inamical à l’égard du Maroc. Il accorda, écrit le journal français, «un joli cadeau diplomatique à Alger en s’abstenant en octobre 2021 – aux côtés des Russes – lors du vote d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies relative au Sahara occidental, dont la formulation était jugée par les Algériens» comme très favorable au Maroc.

Le chef de l’Etat tunisien, dont le pays est «au bord de la banqueroute financière a fini par accéder à certaines requêtes de l’Algérie», qui l’a payé en contrepartie de son abstention à l’ONU avec «un prêt de 300 millions de dollars». Cette «perméabilité de Tunis aux injonctions algériennes» est devenue d’autant plus claire, explique «Le Monde» que le régime algérien a «continué d’actionner deux moyens de pression afin de sécuriser le verrou tunisien. En premier lieu, l’arme du gaz algérien dont la Tunisie tire 99 % de son électricité. Et, en second lieu, la fermeture de la frontière, pénalisant lourdement l’économie tunisienne, en particulier le secteur touristique».

En allant à Alger assister à la fête de l’indépendance de son voisin et en recevant Brahim Ghali à Tunis, «il n’est pas impossible que M. Saïed ait cherché à être agréable aux yeux d’Alger», déclare un ancien diplomate tunisien au journal. Mais cette relative bienveillance du «grand frère» algérien «n’est pas sans incidence sur la souveraineté de la Tunisie», négativement s’entend, conclut «Le Monde».

Par Mohamed Deychillaoui
Le 16/09/2022 à 09h36