Le dialogue social divise le PJD

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Revue de presseKiosque360. Le PJD, qui dirige le gouvernement, est confronté à une opposition interne qui va crescendo. En plus des députés islamistes qui ont critiqué la gestion du dossier des carburants par l’exécutif, l’UNMT, le bras syndical du parti, a décidé de suspendre sa participation au dialogue social.

Le 07/12/2018 à 22h13

Le gouvernement dirigé par Saad-Eddine El Othmani ( PJD) affronte, désormais, une opposition de l’intérieur de son parti qui lui reproche sa manière de traiter certains dossiers brulants.

Des députés islamistes ont fortement critiqué l’Exécutif pour sa gestion de la crise de l’augmentation du prix du carburants. Ils l’ont même accusé de manquer de volonté politique pour traiter avec rigueur ce dossier après que le gouvernement est revenu sur sa décision de plafonner les prix des carburants.

L’UNMT, le bras syndical du PJD, a publié un communiqué virulent dans lequel elle a annoncé la suspension de sa participation au dialogue social en mettant en garde contre «la gestion de l’ambiguïté et de la tension». Le syndicat islamiste a exprimé sa déception face à la méthode suivie pour gérer le dialogue social qui «est caractérisé par la confusion et l’indétermination».

Le quotidien Al Massae rapporte, dans son édition du samedi 8 décembre, que l’UNMT a indiqué dans ce communiqué qu’elle a décidé de suspendre sa participation jusqu’à ce que le gouvernement fasse une nouvelle offre qui tienne compte des propositions qui lui ont été soumises.

Le syndicat ajoute que «l’ambiguïté et la tension ne servent aucune partie et qu’il est nécessaire de traiter, d’un manière sérieuse, les revendications des catégories sociales lésées.» L’objectif, ajoute le communiqué «étant l’amélioration du revenu, l’augmentation du pouvoir d’achat, le renforcement de la protection sociale et le rapprochement de l’administration des citoyens». Tout cela doit se baser, ajoute le syndicat, sur «une véritable volonté de réforme pour mettre en œuvre une approche sociale globale et intégrée tout en accélérant la mise en place du Registre social unique ( RSU)». 

L’UNMT a rappelé qu’il a toujours adopté une attitude positive dans les divers rounds du dialogue social avec les gouvernements précédents et ce loin de toute surenchère ou de considération politique. Le syndicat demande à toutes les parties «d’atténuer les difficultés et de réhabiliter le dialogue social avec un esprit participatif à même de privilégier l’intérêt général et de rendre justice aux catégories sociales les plus lésées». Le dialogue social, ajoute le syndicat, est une responsabilité partagée car il constitue un mécanisme important dans la consolidation de la stabilité sociale.

Le syndicat a par ailleurs réaffirmé «son alignement avec la volonté populaire représentée au sein des institutions légitimes». Il a ainsi mis en garde contre la minoration du rôle de ces institutions et à leur tête les organisations syndicales responsables et sérieuses. Ce qui, ajoute l’UNMT «exposerait l’Etat et la société aux dangers du débordement des manifestations de protestation qui ne sont pas encadrées».

Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia a, dans son édition du samedi 8 décembre, consacré tout un dossier au dialogue social dans lequel il relate toutes les péripéties qu’il a connues depuis mars jusqu’à ce jour.

Les centrales syndicales ont été optimistes quand elles ont reçu, en mars 2018, l’invitation du gouvernement à se réunir autour de la table des négociations. Croyant qu’ils pouvaient réaliser un accord similaire à celui du 26 avril 2011, les syndicats ont abordé le premier round avec l’espoir de parvenir à un accord avant le 1er mai (fête du travail). Mais ils ont vite déchanté quand ils ont constaté que l’offre du gouvernement demeure très en deçà des revendications de la classe ouvrière. D’autant que le dialogue s’est déplacé des séances publiques, avec Saad-Eddine El Othmani, aux travaux des commissions où les négociations ont buté sur l’augmentation des salaires.

Le chef du gouvernement a beau affirmer que la fin du premier round ne signifie pas la fin du dialogue, les centrales syndicales sont reparties en colère face à des propositions statiques qui ne répondent aucunement aux revendications des travailleurs.

On assiste presque à un dialogue de sourds car chacune des deux parties campe sur ses positions même si c’est le gouvernement qui doit faire un pas en avant. Mais en vain.

Saad Eddine El Othmani a même déclaré lors d’une manifestation syndicale de l’UNMT, mardi dernier, que «les syndicats doivent accepter les propositions du gouvernement et reporter les autres revendications à une date ultérieure. Car le fait d’attendre que toutes les revendications soient acceptées en même temps nuit à certaines catégories sociales.»

Face à ce blocage, le roi Mohammed VI a, dans le discours du trône, appelé le gouvernement à reprendre le dialogue social et à trouver des solutions pour sortir de l’impasse.

Il a fallu deux mois pour que le chef de l’Exécutif invite les syndicats à retrouver la table des négociations sans toutefois changer d’un iota sa première offre. Ce qui a suscité l’ire des partenaires sociaux et poussé la CDT et l’UGTM à se retirer, le 20 novembre, de la table des négociations. Après une période de flottement, Saad-Eddine El Othmani a encore une fois invité les syndicats à un nouveau round pour le lundi 4 décembre. Il n’a pas fallu longtemps aux les représentants de la CDT, l’UGTM et l’UMT pour se retirer quand ils ont découvert que le gouvernement n’a rien apporté de nouveau à leurs revendications.

Le chef du gouvernement va recevoir un coup dur quand l’UNMT prendra la décision de se retirer pour rejoindre les trois autres centrales syndicales. Le patron de ce syndicat, Abdelilah Hallouti, a déclaré: «L’UNMT a décidé de suspendre sa participation dans le dialogue social à cause de l’intransigeance du gouvernement qui continue à s’accrocher à sa première offre». Le rideau est tombé sur la énième partie de la pièce théâtrale «Dialogue social qui n’a pas de fin». 

Par Hassan Benadad
Le 07/12/2018 à 22h13