L’Algérie et le Polisario tétanisés par l'ouverture du consulat des Émirats à Laâyoune

Le roi Mohammed VI et cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyane.

Le roi Mohammed VI et cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyane. . MAP

Pour le seul mois d’octobre 2020, six pays ont ouvert de nouveaux consulats à Dakhla et à Laâyoune. De quoi tétaniser le Polisario, d'autant que parmi ces Etats, les Emirats Arabes Unis sont le premier pays non continental à ouvrir un consulat au Sahara marocain.

Le 30/10/2020 à 13h59

Il n’est pas vraiment étonnant que l’Etat des Emirats Arabes Unis ouvre un consulat dans la plus grande ville du Sahara marocain, Laâyoune. En effet, ce pays du Golfe fut parmi les premiers pays à reconnaître et défendre la marocanité du Sahara. D’ailleurs, en novembre 1975, de nombreux officiels émiratis ont participé à la Marche verte.

Mais ce fut une surprise que Mohamed Ben Zayed, prince héritier et actuel homme fort des Emirats, ait choisi un moment où tout le monde croyait que les relations maroco-émiraties étaient au creux de la vague, pour annoncer au roi Mohammed VI la décision de son pays d’ouvrir prochainement un consulat à Laâyoune.

En chœur, des sites proches du régime algérien et du Polisario, sonnés par la forte charge de ce geste en faveur de la marocanité du Sahara, ont cru bon d’annoncer à leur façon que les Emirats, qui viennent de «normaliser leurs relations avec Israël, ouvrent un consulat à Laâyoune».

Pourtant, les relations entre Abu Dhabi et Alger ont été, jusqu’à ces derniers mois au moins, très denses, puisque depuis 2016, les Emirats ont injecté quelque 10 milliards de dollars d’investissements dans l’économie algérienne: ports, immobilier, industrie mécanique…, mais aussi militaire. En effet, Abu Dhabi est un marché militaire de choix pour l’Algérie, comme l’attestent les nombreuses visites de généraux algériens, avec à leur tête les successifs chefs d’état-major de l’armée algérienne, dont feu Ahmed Gaïd Salah et l’actuel homme fort du pays, le général Saïd Chengriha.

Certaines sociétés émiraties, non productrices d’armement bien évidemment, se sont surtout spécialisées dans la sous-traitance et la vente à l’armée algérienne de matériel militaire occidental, relativement sophistiqué, mais d’occasion. Ce matériel vise à améliorer la qualité de l’armement russe qu’Alger achète en grandes quantités à travers un système opaque de contrats et autres commissions qui engloutissent annuellement plus de 10 milliards de dollars du budget algérien. C’est donc cet important partenaire de la nomenklatura militaire algérienne qui vient d’assener un coup dur au Polisario, à travers l’ouverture d’un consulat émirati à Laâyoune.

Il est vrai que des désaccords importants ont commencé ces derniers mois à assombrir les relations algéro-émiraties, sur le dossier libyen en particulier. Alors que le nouveau régime algérien a voulu faire de l’imbroglio libyen son cheval de bataille pour ériger l’Algérie «en puissance régionale incontournable», cette dernière est finalement devenue un sous-traitant de la Turquie dans ce dossier. Les indiscrétions faites par la boîte noire de l’ancien chef d’état-major algérien, Gaïd Salah, l’adjudant-chef Gharmit Benouira, pressé comme un citron par le MIT (services secrets turcs), sont derrière cette mise au pas d’Alger par Ankara.

Jeudi 29 octobre, le représentant du Polisario en Europe, un agent relevant en fait de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles, n’a eu d’autre réaction que de reconnaître, comme le rapporte l’agence de presse officielle algérienne, APS, que le Maroc a réussi à ouvrir plusieurs consulats, ajoutant, en bon ignorant du droit diplomatique, que sur le plan multilatéral aucune organisation internationale n’a ouvert un consulat au Sahara. Or, les organisations internationales n’ont nulle part dans le monde des consulats.

Selon lui, «devant son échec cuisant au niveau multilatéral où aucun acquis n’a été réalisé, le Maroc s’est rabattu sur le niveau bilatéral, loin des organisations internationales, en appâtant quelques petits Etats pour l’ouverture de consulats». Seize Etats, dont un membre influent de la Ligue arabe, et quinze membres de l’Union africaine sont ainsi traités de «petits Etats» par le tandem Algérie-Polisario, pour avoir souverainement ouvert des consulats au Maroc, droit que leur a reconnu le Conseil de sécurité en avril dernier. Une fuite en avant qui en dit long sur le désarroi dans lequel se trouvent l’Algérie et sa milice polisarienne.

Au-delà des intérêts des Emirats en Algérie, l’ouverture du consulat de Laâyoune prouve que le régime émirati est un allié structurel du Maroc. Il peut y avoir des nuages qui assombrissent de temps à autre le ciel de Rabat et d’Abu Dhabi, la relation entre les deux pays repose sur un socle inébranlable. L’ouverture du consulat des Emirats est également importante, parce qu’il s’agit du premier pays non africain qui entérine une présence diplomatique au Sahara atlantique. D’autres pays suivront. Alger et sa milice n’y pourront rien.

Par Mohammed Ould Boah
Le 30/10/2020 à 13h59