Futur gouvernement: Benkirane et Akhannouch condamnés à s’entendre

Le360 : Adil Gadrouz

Tout porte à croire que la fin des négociations signifiée par Benkirane au RNI et au MP est un blocage supplémentaire dans la composition du gouvernement et non pas une impasse. Mais si ce blocage venait à durer, quels seraient les scénarios possibles pour dénouer la situation?

Le 09/01/2017 à 14h01

La communication entre nos partis politiques est déplorable. Ni le communiqué conjoint du RNI, du MP, de l’UC et de l’USFP, ni le communiqué du PJD ne concourent à donner une haute idée de la chose politique au Maroc. Comment est-ce que des partis politiques en arrivent à se parler par communiqués interposés? Des communiqués dont la teneur ne laisse aucun champ à la négociation ou à la moindre alternative. 

On a compris que le RNI et le MP veulent une majorité confortable et ne souhaitent pas cautionner un gouvernement qui s’adosse à 201 voix sur 198, soit sur une majorité vulnérable de 3 voix. Le PJD, quant à lui, est sûr du soutien de l’Istiqlal (qui ne ferait pas partie du gouvernement) et ne veut pas élargir le gouvernement à l’UC et l’USP.

Face à ce désaccord, ce qui aurait prévalu, aurait été de s’asseoir et de négocier. En somme, présenter des arguments en vue de convaincre. Au lieu de cette négociation, nous avons assisté, ahuris, à la publication de communiqués dans lesquels chaque partie campe sur ses positions.

Le point culminant de ces rafales de communiqués est la «fin des pourparlers», signifiée de façon péremptoire par le SG du PJD. En d’autres termes, «c’est terminé!». Il faut reconnaître la responsabilité partagée entre les partis qui ont choisi le communiqué comme canal d’échange.

Mais au-delà de cette responsabilité partagée, le dernier communiqué, signé par le SG du PJD, ressemble à un coup de sang. Ce qui n’est pas le propre d’un chef du gouvernement dont on attend pondération et sens du dialogue, quelle que soit la situation. Cette façon de faire, sous l’influence des faucons du PJD, renvoie Benkirane au rôle d’un chef de parti. Or, il est avant tout attendu de Benkirane qu'il garde la stature d’un homme d’Etat.

Retour à la case départ?

En fermant la porte aux autres partis, Benkirane se retrouve simplement devant l’impossibilité de composer un gouvernement. Même s’il veut faire rentrer l’Istiqlal au gouvernement, il ne disposerait (avec le PPS) que de 184 voix. Il faut aussi garder à l’esprit que le PI traverse une grave crise interne et que le nombre des frondeurs y est élevé. Il n'est donc pas certain que Hamid Chabat qui a délégué la gestion du parti à un triumvirat de proches puisse faire marcher au pas les députés du parti. Il est très improbable également que Chabat soit reconduit à la tête de l’Istiqlal au mois de mars.

Alors comment faire? Envisager une coalition avec le PAM, ce qui conduirait à une majorité confortable de 227 voix. Cela signifierait pour le PJD la fin de toute crédibilité devant ses militants…

Donc, si Benkirane veut composer un gouvernement, il n'a d'autre choix que de reprendre les négociations avec le président du RNI, Aziz Akhannouch. Le réalisme politique et les intérêts du pays dictent aux deux hommes de s’asseoir de nouveau pour négocier, face à face, et non pas par le biais des communiqués. C’est pour cette raison que le nouveau blocage ne semble pas insurmontable. Dans la mesure où aucune des deux parties ne dispose de solutions de substitution, elles sont condamnées à trouver un terrain d’entente.

Les scénarios possibles en cas d’impasse réelle

- Abdelillah Benkirane, le chef du gouvernement désigné, reconnaît devant le roi Mohammed VI son incapacité à composer un gouvernement. Le souverain pourrait lui renouveler sa confiance et le charger de faire une autre tentative. Ce renouvellement de confiance serait interprété par les autres partis comme un signe de la plus haute autorité du pays en vue de faire aboutir dans les plus brefs délais la composition du gouvernement.

- Abdelillah Benkirane reconnaît devant le roi Mohammed VI son incapacité à former un gouvernement. Face à cette situation qui n’est pas prévue dans la Constitution, toutes les mesures innovantes sont possibles. La plus plausible est que le souverain désigne une autre personnalité plus consensuelle au sein du PJD, le parti qui a remporté le plus de voix pendant les élections législatives. Cette personnalité aura la charge de reprendre les négociations pour former un gouvernement. Outre le fait que ce deuxième scénario impliquerait d’ouvrir la voie à une interprétation des articles de la Constitution, il n’est pas certain que les militants du parti de la Lampe accepteraient un autre chef à la place de Benkirane.

- Abdelillah Benkirane admet son échec à composer un gouvernement et le roi ordonne de refaire les élections législatives. Ce scénario est le moins probable compte tenu du coût qu’il génère et de la lourde mobilisation des appareils de l’Etat.

- Abdelillah Benkirane n’admet pas son échec à composer le gouvernement et perpétue la situation vécue depuis plus de trois mois. Agacé par la paralysie du gouvernement, Mohammed VI pourrait prendre une décision d’autorité, dictée par les intérêts supérieurs de l’Etat.

Par Mohammed Boudarham
Le 09/01/2017 à 14h01