Exclusif. Les ministres du PJD ne digèrent toujours pas le succès de Mawazine

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Lors du dernier Conseil du gouvernement, Ramid, Aâmara et El Khalfi… les trois ministres du PJD ont attaqué ouvertement le festival Mawazine. Les détails.

Le 06/05/2013 à 22h45, mis à jour le 08/05/2013 à 18h43

Alors que le pays traverse une crise économique et que la situation dans les villes du Sahara est préoccupante, les ministres du PJD se font une autre idée des sujets dont il y a urgence à débattre. Lors du dernier Conseil du gouvernement, tenu le 2 mai à Rabat, trois ministres du PJD ont posé le festival Mawazine sur la table. Contre toute attente et en enfreignant l’ordre du jour, le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, s’est fendu d’une attaque contre le festival Mawazine. Il a été soutenu dans sa diatribe par le très discret ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, Abdelkader Aâmara, ainsi que par le très-sûr-de-lui ministre de la Communication Mustapha El Khalfi. Ramid a demandé aux membres du gouvernement de prendre une décision hautement stratégique pour les intérêts du pays : arrêter le festival Mawazine.

Un festival indépendant

Le ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser, est intervenu pour faire part au ministre de la Justice de son incompréhension, tout en pointant du doigt le caractère "hors sujet" de l’intervention impromptue. Il lui a rappelé quelques vérités sur le festival que Ramid connaît pourtant très bien et qu’il feint à chaque fois d’ignorer. Mawazine est un festival indépendant qui ne reçoit pas de subventions publiques. Ni l’Etat, ni la ville, ni la région ne donnent d’argent à ce festival. Il s’est ensuite adressé au trio de ministres PJDistes pour en appeler à leur bon sens et leur demander : "Au nom de quoi voudriez-vous sanctionner les centaines de milliers de personnes qui fréquentent chaque année le festival Mawazine ?"

Laenser a rappelé que Mawazine constitue l’une des rares occasions de fête pour les habitants de Rabat. A Ramid qui cherchait toujours à étaler son réquisitoire contre l’événement, Laenser en a appelé à la justice pour lui dire qu’il s’étonnait beaucoup qu’un avocat, censé être au fait de la loi, veuille s'en prendre à une manifestation sur laquelle il n’avait aucun droit et qui ne relevait ni de son ministère ni du gouvernement. Il a ajouté qu’il espérait que les dossiers du ministère de la Justice étaient traités avec plus de légalité.

Soutenir au lieu de saboter

Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime, s’est tourné vers Aâmara et le ministre du Tourisme pour leur signifier que Mawazine est aujourd’hui l’un des plus grands festivals au monde. Et de déclarer : "Au lieu de chercher à le saboter, il faudrait le soutenir et en faire un vecteur de promotion du Maroc auprès des touristes et des investisseurs". Il a également ajouté que n’importe quel gouvernement, soucieux d’accroître l’attractivité de son pays, en ferait autant. Akhannouch connaît bien son sujet. Il se dévoue depuis des années à faire du festival de Timitar à Agadir un vecteur de développement de la ville.

Après l’intervention sage et réaliste de Akhannouch, Laenser s’est tourné vers les trois ministres PJDidistes en les sommant de dire si leur hostilité contre Mawazine s’explique par le fait qu’un proche du roi dirige cette manifestation. "Qu’on le dise clairement, ne serait-ce que pour savoir avec qui nous sommes assis autour de cette table !" Le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, est alors intervenu pour calmer les ministres de son parti et leur rappeler l’ordre du jour, sans toutefois les contredire.

Un acte réfléchi

La sortie du trio PJDidiste contre Mawazine n’est pas un acte isolé. Lors du 5e congrès de la jeunesse du PJD, l’audience a scandé des cris hostiles à Mawazine devant les sourires complices du chef du gouvernement et des ministres du PJD. Selon Akhbar Al Yaoum, daté de ce mardi, Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du PJD, a déclaré samedi dernier, lors d’une rencontre organisée par la jeunesse du PJD à El Jadida : "Le pays qui vit une crise économique n’organise pas Mawazine avec des milliards".

Bouanou et les autres ministres du PJD qui ont fait d’un festival de musique leur défouloir et le fonds de commerce de leur populisme savent ou devraient savoir que Mawazine ne coûte pas un centime à la ville ou à l’Etat. Bien au contraire, le festival de Rabat verse des impôts à l’Etat, des millions de dirhams prélevés sur la TVA des ventes des tickets, des soirées vendues, de la publicité... La moindre des choses qui surprendrait le ministre de la Communication, qui s’est beaucoup battu pour "rationaliser" les dépenses des chaines de télévision, c’est que la transmission des concerts du festival Mawazine constitue « la seule diffusion sur toute la grille de la programmation d’Al Oula et de 2M où les deux chaines gagnent de l’argent", affirme une source à la SNRT. Et d’ajouter : "Les recettes de la publicité étant supérieures aux coûts de production".Et dans un pays qui souffre du chômage, "Mawazine crée 3.000 emplois directs et indirects", selon une source autorisée à Maroc Cultures. "Mawazine fait une promotion de Rabat et du Maroc qui aurait coûté des dizaines de millions de dirhams à l’ONMT", ajoute cette même source. Il est vrai que ce festival est devenu un événement mondialement connu et que nombre de touristes se déplacent à Rabat pour y assister. Certaines radios à l’étranger organisent maintenant des concours pour offrir aux gagnants un séjour à Rabat pendant le festival. Il suffit de dire que NRJ, la radio musicale la plus écoutée en France, organise cette année un concours Mawazine à l’adresse de ses auditeurs pour s’en convaincre. Mais apparemment les ministres du PJD ont décidé de faire définitivement la sourde oreille à toute musique ou toute promotion du pays qui rimerait avec Mawazine.

Par Le360
Le 06/05/2013 à 22h45, mis à jour le 08/05/2013 à 18h43