El Othmani veut-il créer une crise avec Israël?

Saâd-Eddine El Othmani, signant, mardi 22 décembre 2020 à Rabat, la déclaration conjointe sur le rétablissement des relations entre le Maroc et Israël (capture d'écran).

Saâd-Eddine El Othmani, signant, mardi 22 décembre 2020 à Rabat, la déclaration conjointe sur le rétablissement des relations entre le Maroc et Israël (capture d'écran). . DR

En félicitant le Hamas pour sa «victoire» contre Israël, le chef du gouvernement et secrétaire général du parti islamiste le PJD, Saâd-Eddine El Othmani, a fait un pied de nez à l’accord qu’il a pourtant signé avec l’Etat d’Israël, faisant sortir de sa réserve son représentant au Maroc.

Le 26/05/2021 à 07h38

Saâd-Eddine El Othmani est un habitué des dérapages. Des fois calculés, d’autres fois spontanés. Par opportunisme politique, en pleine campagne électorale pour les Législatives de septembre 2021, Saâd-Eddine El Othmani a ardemment félicité, samedi 22 mai 2021, Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, pour sa «victoire» contre Israël.

Saâd-Eddine El Othmani pourra toujours se défendre en affirmant qu’il a félicité le chef de file du Hamas «pour l’accord de cessez-le-feu signé avec l’entité sioniste» sur le site officiel du parti qu’il dirige. Il pourra brandir, une fois encore, sa casquette ornée de la lampe du PJD, pour jurer la main sur le cœur qu’il parlait au nom de son parti et non pas du gouvernement. Stricto sensu, c’est vrai qu’il parlait au nom du PJD. Mais El Othmani, et d’autres membres de son parti, cultivent sciemment ce mélange des casquettes, en se réfugiant derrière leur parti quand une actualité brûlante les met à rude épreuve face à leur idéologie.

On se souvient qu’un autre ministre du PJD, Mohamed Amekraz, a choisi de s’exprimer sur la chaîne du Hezbollah, Al Mayadeen, pour dénoncer les accords tripartites, signés entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël. Il avait argué alors s’être exprimé non pas comme membre du gouvernement, mais en sa qualité de secrétaire général de la Jeunesse du PJD.

C’est au même exercice que s’est livré samedi Saâd-Eddine El Othmani avec la coqueluche du Hamas, Ismail Haniyeh. El Othmani est inconséquent avec lui-même quand il refuse de nommer l’Etat d’Israël dans sa lettre de félicitation au chef de file du Hamas. Il a préféré substituer au mot Israël l’expression «entité sioniste». El Othmani a la mémoire très courte, parce qu’il semble oublier qu’il a apposé sa signature, le 22 décembre 2020, sur le document, qui entérine les accords tripartites entre le Maroc, Israël et les Etats-Unis.

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La déclaration de Saâd-Eddine El Othmani a fait réagir David Govrin, représentant d’Israël au Maroc. Dans un tweet, posté ce mardi 25 mai et supprimé depuis, David Govrin écrit: «J’ai été surpris par la déclaration du Premier ministre marocain, M. El Othmani, qui a soutenu et félicité les organisations terroristes du Hamas et du Jihad islamique appuyées par l’Iran. Quiconque soutient les alliés de l’Iran renforce son influence régionale. L’appui de l’Iran, qui sème la destruction dans les pays arabes et soutient le Front Polisario, n’est-il pas en contradiction avec les intérêts du Maroc et des pays arabes modérés?»

On savait que l’idéologie, véritable marqueur des ministres du PJD, dispense de la compétence. Mais, Saâd-Eddine El Othmani devrait essayer au moins de ne pas surenchérir sur un terrain où le roi du Maroc a marqué par des actes sa solidarité avec le peuple palestinien. Le ministère des Affaires étrangères a exprimé d’ailleurs la position officielle du Maroc sur le sujet. Cette surenchère est indigne, à la fois, de la fonction de chef de gouvernement, de la stature d’homme d’Etat à laquelle il devrait s’élever et des intérêts du Royaume du Maroc.

Par Tarik Qattab
Le 26/05/2021 à 07h38