Des "perles" dans le rapport de la Cour des comptes

Driss Jettou, président de la Cour des comptes.

Driss Jettou, président de la Cour des comptes.

Entre des factures qui flambent bizarrement, l'application de taxes qui n'existent pas ou des lampes économiques qui consomment plus..., le rapport de la Cour des comptes ne manque pas de constats croustillants. Le360 est parti à la pêche. Florilège.

Le 03/04/2016 à 13h34

Au delà des grands scandales que divulguent généralement les rapports de la Cour des comptes quand ils relèvent des anomalies dans la gestion ou la gouvernance de grandes structures publiques, ces documents peuvent également mettre à nu des anomalies pour le moins surprenantes. En voici une sélection.

79.000 DH pour arroser un rond-point!A Salé, l’optimisation de la consommation d’eau pour arroser les différents espaces verts n’est vraiment pas le point fort de la commune. Pour preuve, cette facture d’eau qu’elle a dû régler sur un compteur d’un arroseur public. 79 000 DH, rien que cela! On imagine la quantité d’eau, potable en plus, qui a été gaspillée pour arriver à un tel montant.

Un régisseur qui a besoin d'une nouvelle calculetteDans les abattoirs d’Essaouira, le régisseur a certainement besoin d’une nouvelle calculette pour évaluer le montant des redevances dues pour l’utilisation des chambres frigorifiques.

Selon les dispositions réglementaires en vigueur, la mise en chambre froide communale des viandes implique le paiement de 0,30 DH par kg/jour. Cependant, il a été constaté que ladite redevance est calculée par le régisseur sur la base d’une journée seulement, quelle que soit la durée pendant laquelle les opérateurs laissent leur viande dans la chambre froide. Or, la Cour des comptes rappelle qu’une grande quantité de viande demeure plusieurs jours dans la chambre. C’est une «erreur» qui doit bien arranger les affaires des opérateurs!

Des lampes économiques et... boulimiques!En 2011, la commune de Salé a procédé à l’acquisition et l’installation de plus de 3.000 luminaires LED intégrant des systèmes de variation d’intensité dans différents quartiers de la commune. Ce projet était justifié par la volonté de réduire les charges d’électricité en adoptant du matériel économique.

Et pourtant, la Cour des comptes relève dans son rapport que la consommation dans les quartiers où les LED ont été installés n’a pas du tout baissé. Pire encore, certains quartiers ont même connu des pics historiques de consommation électrique après l’installation des nouveaux luminaires. Malgré cela, les autorités de la commune n’ont pas pensé à une enquête ou un contrôle pour analyser les raisons de cette situation.

Mais où est passé mon budget?A Souk Sebt Ouled Nemma, dans la région de Marrakech, le président de la commune a omis de budgétiser un projet avant de le réaliser. Selon la Cour régionale des comptes, la commune a conclu un marché en juin 2011 pour la construction de la Maison des jeunes dans un délai de 12 mois, et pour un montant de 6.097.860,00 DH. Cependant, elle a oublié d’intégrer les crédits de paiement relatifs à ce marché dans ses budgets.

En d’autres termes, elle n’avait pas de quoi payer le prestataire. Ce n’est qu’en février 2013 que la commune adopte une décision pour ouvrir les crédits relatifs à ce chantier. Et encore, elle n’a prévu que 2,1 millions de DH, soit le tiers du montant du marché.

Mettant le ministère de l’Intérieur devant le fait accompli en octobre 2014, la commune a demandé le reliquat des crédits de paiement en précisant que le taux d’exécution des travaux a atteint 98%.

139.996,64 DH de carburant en dix jours!Ne disposant pas d’un dépôt de stockage de carburant, la commune de Ain Harrouda recourait à deux méthodes pour s’approvisionner en carburant: soit en recourant à la SNTL, soit à une station-service avec laquelle elle a développé un système de bons.

Sur ce dernier mode d’approvisionnement, la Cour des comptes a relevé qu’en 2013, le relevé des consommations de carburant via les bons affiche un montant de 139.996,64 DH consommés en une dizaine de jours seulement. Pour justifier cette quantité faramineuse, la commune a expliqué à la Cour qu’il lui arrivait de recevoir des véhicules (voitures ou engins de chantier) supplémentaires à l’occasion d’événement exceptionnels, comme une visite royale. Mais de là à consommer autant, la Cour des comptes a bien raison de se poser des questions.

Taxe-moi comme tu peux!Cela concerne un des plus grands et riches arrondissement de Casablanca, celle d’Anfa. Le contrôle des magistrats de la Cour des comptes a relevé que l'arrondissement prélevait 500 DH sur chaque autorisation de rénovation de bâtiment accordée à des citoyens. 

Or, selon la Cour, cette taxe n’avait pas lieu d’être puisqu’elle doit être appliquée aux autorisations de construction et non celles de rénovation. Cela a tout de même permis à la circonscription de récolter, indument, quelque 564.000 DH. Dans leur réponse à la Cour, les responsables de l'arrondissement se contentent de justifier cette taxe par le fait que tous les arrondissements à Casablanca y ont recours!

Encourageons les fonctionnaires… et le président de la commune!C’est un classique: à Mediouna, des lotissements destinés aux fonctionnaires ont été octroyés aux proches du président de la commune et de ses conseillers.

Quinze lots de terrain ont en effet été alloués aux fonctionnaires à un prix préférentiel dans le cadre d’un programme de gratification et d’encouragement des salariés de la commune.

Or, il a été constaté que 13 des 15 bénéficiaires de ces lots se sont désistés au profit de personnes proches des conseillers. Ainsi un proche de l’ancien président de la commune a profité de six lots, alors que d’autres désistements se sont faits au profit des conseillers communaux ou de leurs proches.

En tout, à travers ce micmac, la commune s’est retrouvée avec un manque à gagner d’au moins 12 millions de DH.

Par Younès Tantaoui
Le 03/04/2016 à 13h34