Corruption de la direction du polisario: pourquoi les langues se délient à Tindouf

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Restée «le secret le mieux gardé» durant les quarante dernières années, la corruption de la direction du Polisario est épinglée ouvertement et quasi-quotidiennement, au point de cristalliser les discussions de la population et faire les manchettes des sites séparatistes. Les raisons.

Le 06/10/2017 à 16h33

Mais que s'est-il passé pour que le sujet principal à Tindouf devienne le "lobby de la corruption", pourtant aussi vieux que la création du front Polisario il y a maintenant quarante-deux ans? Il ne se passe presque pas un jour sans que ce lobby soit pointé du doigt, mis à l'index et cité nommément pour sa responsabilité dans ce qui arrive à la population de Lahmada-Tindouf. Il est curieux de constater que ce "lobby" ne soit même pas épargné par les préposés à la promotion de sa propagande, soit des sites qui rivalisaient d'éloges (rémunérés) envers leurs maîtres tapis au siège du secrétariat général du Polisario, à Rabouni, ou encore au luxueux Club des Pins, à Alger. "Une rentrée sociale transformée en étain chaud par le lobby de la corruption", brocarde en effet un site dévoué à l'ancien "vizir de l'armée sahraouie", le dénommé Mohamed Lamine Bouhali. "Brahim Ghali vaincu par le lobby de la corruption", a-t-il encore chargé dans un précédent article.

Quel vent a-t-il donc soufflé pour que ces sites de propagande changent de fusil d'épaule et concentrent le tir sur les "parvenus de la guerre", accusés de s'être surenrichis sur les ruines de la population des camps? Si cette réalité relevait du secret de polichinelle tant elle a été mise à nue par les rapports des instituts internationaux, entre autres l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), dans son cuisant rapport de 2015 sur le détournement d'aide humanitaire par les dirigeants polisariens et des officiers algériens, elle était toutefois restée de l'ordre du "tabou" dans les camps d'infortune, ou encore les colonnes des sites de propagande séparatiste. Les "parvenus de la guerre", -membres du secrétariat général du Polisario-, sont accusés ouvertement par lesdits sites séparatistes de détournement des aides humanitaires écoulées sur les marchés à Oran, Alger, Tindouf, et plus encore à Nouadhibou (Mauritanie), Niamey (Niger) et Bamako (Mali).

Ce n'est pas un hasard si ces "parvenus de la guerre" "possèdent aujourd'hui des palais dans les pays du voisinage", s'alarme ce site, sans citer ces pays dont l'Espagne, particulièrement la Costa del Sol, où les cadors du Polisario possèdent des villas cossues avec pied sur mer! "Il n'est pas étonnant que des pays comme le Nigeria, la Norvège, le Venezuela, l'Espagne, voire Cuba, rechignent aujourd'hui à accorder des bourses pour nos étudiants", indique la presse séparatiste, s'exclamant que les bourses accordées aient plutôt profité aux enfants de la direction de Rabouni! Cette presse s'étonne aussi que même le lait soit volé et revendu sur les marchés de pays voisins, autant que la farine, les petits pois et les légumes, causant de graves problèmes de malnutrition chez une population abandonnée à son sort par des prédateurs sans foi ni loi!

Ce qui fait délier les langues à TindoufSi le mur de la peur tombe aujourd'hui à Tindouf, au point que le tabou sur les fortunes amassées par une direction corrompue jusqu'au bout des ongles est brisé, c'est qu'il y a grave. L'Algérie, qui abrite, finance et arme le Polisario, est au bord de la faillite. Le recours à la planche à billets transforme le dinar algérien en monnaie de singe. Le chiffre est très parlant. 1000 dinars (le plus gros billet de banque en Algérie) ne valent désormais pas plus que 5 euros! Le dinar algérien, à l'image du bolivar vénézuélien, promet de s'effondrer et, à terme, il faudra une brouette de billets pour se procurer ne serait-ce que 100 euros! C'est ce qui fait que le dirham marocain est devenu la principale monnaie de change dans les camps de Lahmada-Tindouf.

L'expectative de l'effondrement total du dinar algérien donne déjà des sueurs froides à la direction de Rabouni, dont la survie ne tenait qu'aux dons en pétro-dollars octroyés généreusement par le régime algérien. Un luxe que ne peut plus naturellement se permettre le régime voisin, lui-même menacé en raison de l'assèchement de ses réserves en devises.

Ce soudain sursaut de colère contre la direction de Rabouni s’est donc exacerbé avec la crise que traverse l’Algérie depuis 2014. «Le lobby de la corruption», à comprendre ceux qui ont profité de la corruption pendant l’ère de Mohamed Abdelaziz, est regardé d’un très mauvais œil par les nouveaux cadres qui veulent aussi leur part du gâteau, mais ne trouvent plus que des miettes et des dinars algériens sans valeur une fois convertis en devises. Cette tension entre les nouveaux et les anciens va très probablement dégénérer en lutte ouverte où tous les vieux démons– comme l’appartenance tribale que le Polisario a depuis des années essayée de dissoudre sous le nom de «peuple sahraoui»– vont ressurgir et mettre à nu une entité chimérique qui ne tenait que grâce à l’intérêt bien personnel que les polisariens y trouvaient.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 06/10/2017 à 16h33