Prémices d'une crise entre Londres et Abou Dhabi

La Première ministre britannique Theresa May.

La Première ministre britannique Theresa May. . DR

Un citoyen britannique a été condamné mercredi à perpétuité par le tribunal fédéral d'Abou Dhabi pour espionnage au profit d'un pays étranger, Londres se disant "profondément choqué" et menaçant de "répercussions".

Le 21/11/2018 à 16h03

Matthew Hedges, 31 ans et doctorant à l'université de Durham (nord-est de l'Angleterre), a été arrêté à l'aéroport de Dubaï le 5 mai. Il s'était rendu aux Émirats arabes unis pour mener des entretiens sur la politique étrangère et la stratégie du pays en termes de sécurité.

"Nous pouvons confirmer qu'il a été condamné à la prison à vie", a déclaré mercredi, sous couvert de l'anonymat, la porte-parole de sa famille, jointe par téléphone par l'AFP. "L'audience a duré moins de cinq minutes et l'avocat (de la défense) n'était pas présent".A Londres, la Première ministre britannique Theresa May s'est déclarée "profondément déçue", ajoutant devant le Parlement que son gouvernement allait continuer à intervenir auprès des autorités émiraties.

"Je suis profondément choqué et déçu", a réagi le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt dans une déclaration transmise à l'AFP.

"Ce verdict n'est pas ce que nous attendions d'un ami et partenaire de confiance du Royaume-Uni et va à l'encontre des assurances reçues", a dit M. Hunt.

Il a souligné avoir évoqué le cas de Matthew Hedges avec le prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed, en particulier pendant sa visite à Abou Dhabi le 12 novembre.

Jeremy Hunt a affirmé avoir "clairement signifié à maintes reprises que la gestion de ce cas par les Émirats arabes unis aurait des répercussions sur les relations entre nos deux pays qui doivent reposer sur la confiance".

"Je regrette d'en arriver à cette position et exhorte les Émirats à reconsidérer le cas", a-t-il ajouté.

Selon les médias émiratis, Matthew Hedges a 30 jours pour faire appel de son jugement.

Mi-octobre, le procureur général des Emirats, Hamad al-Shamsi, avait annoncé que Matthew Hedges devait être jugé à Abou Dhabi "sous les accusations d'espionnage pour un pays étranger, mettant en danger la sécurité militaire, politique et économique de l'Etat".

Selon le procureur, M. Hedges se servait de son statut de chercheur comme couverture et les accusations contre lui se fondent "sur des preuves".

Le Britannique était "détenu en isolement dans un endroit non révélé", avec un accès très restreint au personnel du consulat et à sa famille, avait déclaré son épouse Daniela Tejada après sa libération provisoire le 29 octobre.

Il était depuis doté d'un bracelet électronique et avait reçu l'injonction de rester à Dubaï, selon un communiqué transmis mercredi par son épouse.

"Je suis complètement sous le choc et je ne sais pas quoi faire. Matthew est innocent", a-t-elle indiqué. Selon elle, toute l'affaire a été "très mal gérée depuis le début, sans que personne ne prenne le cas (de son mari) au sérieux".

Mme Tejada a exhorté le gouvernement britannique à agir, disant avoir "très peur pour lui".

"Matthew est innocent. Le Foreign Office le sait et a bien dit aux autorités des Emirats que Matthew n'est pas un espion", a-t-elle affirmé, appelant "le gouvernement britannique à prendre position à présent pour Matthew".

En octobre dernier, Mme Tejada avait dit à l'AFP son inquiétude pour l'état de santé de son mari, qui avait été "diagnostiqué comme souffrant de dépression et d'anxiété peu de temps avant d'aller aux Emirats arabes unis".

Elle avait d'autre part souligné que son époux avait vécu aux Emirats "plusieurs années" avant de revenir au Royaume-Uni en 2015."Nous avons appris que Matt Hedges a été condamné à la prison à perpétuité (...), nous sommes dévastés", a réagi mercredi le vice-chancelier de l'université de Durham, Stuart Corbridge.

Il a déploré la détention du citoyen britannique dans des conditions "violant ses droits humains" et "un jugement prononcé en l'absence d'un procès transparent et équitable".

"Aucune information n'a été donnée pour expliquer le fondement de cette condamnation et il n'y aucune raison de croire que Matt faisait autre chose qu'une recherche académique légitime", a-t-il souligné.

Le 21/11/2018 à 16h03