Pourquoi le président Bouteflika n’a pas reçu le ministre français des Affaires étrangères

Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne.

Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne. . DR

Abdelaziz Bouteflika n’a finalement pas accordé d’audience à Jean-Yves le Drian, qui vient d’effectuer sa première visite à Alger depuis sa nomination en tant que ministre des Affaires étrangères. Il a été en revanche annoncé que le président algérien présidai un Conseil des ministres. Les raisons.

Le 14/06/2017 à 16h09

Fin du suspense: l'audience que le président Bouteflika devait accorder hier mardi à Jean-Yves le Drian n'a pas eu lieu. Pourtant, il était attendu que le chef de l'Etat algérien reçoive M. le Drian lors de son premier déplacement en Algérie depuis sa nomination en tant que ministre des Affaires étrangères. D'autant plus qu'on prête un tropisme algérien au nouveau MAE français. Le refus de l'audience est-il donc dû à l'état de santé du chef de l'Etat algérien ou bien à d'autres considérations?

Quand on sait que le président Bouteflika est attendu pour présider, ce mercredi même, un Conseil des ministres, l'hypothèse d'une incapacité physique devient très peu probable. Plusieurs médias algériens ont en effet annoncé, hier, que les membres du gouvernement algérien ont été officiellement convoqués pour un premier Conseil des ministres, présidé par le chef de l’État.

Il faut préciser que le conseil des ministres algérien ne s'est pas tenu depuis décembre 2016. Et il est à tout le moins curieux que le président cloué à sa chaise roulante depuis son AVC de 2013 retrouve subitement toutes ses forces et convoque un Conseil des ministres, alors même que Jean-Yves le Drian se trouve à Alger.

Quel message le président Bouteflika voudrait-il faire passer à l'Etat français? Pourquoi se permet-il de griller la politesse à un MAE français qui, à l'instar de ses prédécesseurs, devait bénéficier aussi d'une entrevue avec le chef de l'Etat du pays hôte? Ce dernier pourrait-il invoquer des "raisons de santé" pour expliquer la bouderie de Jean-Yves Le Drian? Il semble avoir sciemment voulu écarter cette hypothèse en prouvant, à travers la convocation du Conseil des ministres, qu’il était parfaitement en mesure de recevoir le ministre français des AE, mais qu’il a fait le choix de ne pas lui accorder d’audience. 

Sans détour, le président Bouteflika n'a pas voulu recevoir Jean-Yves le Drian. Apparemment, il a gardé rigueur aux ministres français depuis que l'ancien Premier ministre Manuel Valls a tweeté, le 9 avril 2016, une photo sur laquelle le président Bouteflika apparaît le regard hébété, et complètement diminué par la maladie. Cette photo avait suscité une véritable levée de boucliers en Algérie, notamment chez les personnalités politiques qui ont crié à la "manipulation", au "complot", au "manque de respect"... "Publier cette photo était un acte désobligeant, abject», avait en effet dégainé un conseiller à la présidence algérienne.

Depuis, Bouteflika ne reçoit plus de responsables français. L'audience non accordée à Jean-Yves le Drian s'inscrit dans cet esprit revanchard. Il existe toutefois d'autres raisons qui peuvent l'expliquer.

Le nouveau président français a consacré au Maroc son premier déplacement au Maghreb. Ce qui n’est certainement pas du goût du président algérien. A-t-il voulu manifester son mécontentement en manquant à une règle qu’il a toujours respectée avant son accident vasculaire cérébral: recevoir tous les chefs de la diplomatie des puissances étrangères en visite à Alger? Et puis, il y a l'appel téléphonique d'Emmanuel Macron à Bouteflika, à la veille de sa visite à une base militaire française à Gao, nord du Mali. Appel au cours duquel Emmanuel Macronl a demandé au président algérien davantage de clarté sur le rôle interlope que les services algériens ont souvent joué dans le chaudron sahélo-saharien. Leur soutien au chef des "Ansar Eddine" (défenseurs de la religion), le terroriste Ayad Ag Ghali, est à cet égard très significatif. Cet appel téléphonique a été passé sous silence par tous les médias officiels algériens. Preuve de l’irritation de Bouteflika qui n’a pas apprécié qu’on lui rappelle la responsabilité de l’Algérie dans la présence de groupes armés au nord du Mali.

Par Ziad Alami
Le 14/06/2017 à 16h09