Paris: la coalition anti-Daech tente de sauver les meubles

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi et Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, hier à Paris.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi et Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, hier à Paris. . Brahim Taougar - Le360

Impuissante face à la percée de Daech, la coalition internationale, dont la stratégie sur le terrain a été qualifiée d'"échec" par Bagdad, a apporté mardi son soutien au plan irakien pour reconquérir les territoires perdus, tout en appelant à des réformes politiques en Irak.

Le 03/06/2015 à 17h45

La coalition anti-Daech, réunie depuis hier mardi à Paris, a apporté son soutien au président irakien, en première ligne dans ce combat. Mais la lutte contre Daech passe aussi par une transition politique en Syrie, a reconnu la coalition, qui a officiellement entériné "l'incapacité" du régime de Bachar al-Assad à lutter contre les jihadistes et appelé à entamer un processus de négociations sous l'égide des Nations Unies.

Les représentants de 24 pays et d'organisations internationales étaient réunis mardi au ministère des Affaires étrangères dans la capitale française pour faire le point sur la lutte contre Daech qui contrôle de vastes pans des territoires de l'Irak et de la Syrie et continue d'avancer malgré les quelque 4.000 raids aériens effectués par la coalition, en dix mois.

Avant le début de la réunion, qu'il co-présidait avec ses pairs français et américain, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s'est lancé dans une charge contre la coalition dont la stratégie est selon lui un "échec". Récemment critiqué par Washington pour sa gestion de la guerre contre Daech, il a rétorqué qu'il s'agissait d'un "problème international", citant notamment l'augmentation du nombre des combattants étrangers dans les rangs jihadistes en Irak (ils représentent désormais 60% du total, selon lui).

Plan de reconquête d'Al-Anbar

Mais le Premier ministre irakien était lui aussi attendu au tournant par ses alliés de la coalition pour présenter un plan alliant reconquête militaire de la province occidentale d'Al-Anbar, dont la capitale Ramadi est tombée le 17 mai aux mains des jihadistes, et réformes politiques, pour mieux intégrer la communauté sunnite.

Dans sa déclaration finale, la coalition a apporté son soutien à ce projet, qualifié de "bon plan militairement et politiquement" par le secrétaire d'Etat américain adjoint Antony Blinken, représentant Washington en l'absence de John Kerry qui, le col du fémur cassé, a participé au téléphone à la réunion de Paris.

Le plan présenté par le Premier ministre irakien prévoit notamment d'"accélérer le soutien aux combattants tribaux de la province d'Al-Anbar afin qu'ils luttent contre Daech aux côtés des forces irakiennes" et de "garantir que toutes les forces qui participent à la libération de la province opèrent sous le commandement et le contrôle du Premier ministre et de la chaîne de commandement irakienne". Washington et ses alliés arabes sunnites de la coalition craignent en effet les exactions des milices chiites irakiennes, soutenues par Téhéran, et souvent fer de lance de la lutte contre le groupe "Etat islamique" sur le terrain.

La stratégie militaire de reconquête est toutefois "indissociable de la mise en œuvre de la politique de réconciliation en Irak", a rappelé le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius au cours d'une conférence de presse, et la coalition a réaffirmé "l'importance cruciale" de la mise en œuvre de réformes prévoyant une meilleure intégration de la communauté sunnite marginalisée.

Lutter contre “la course au chaos” en Syrie

La stabilisation de l'Irak dépend aussi en grande partie de la situation en Syrie où les jihadistes de "l'Etat islamique", ayant prospéré en profitant de la guerre civile qui ensanglante ce pays depuis plus de quatre ans, contrôlent désormais la moitié du territoire, selon des sources syriennes.

"Les jihadistes n'ont pas de frontières et la course au chaos qui se joue en Syrie a un impact direct sur l'efficacité de l'action en Irak", a lancé M. Fabius. La France ne participe pas aux frappes aériennes sur la Syrie, de peur de renforcer le régime de Bachar al-Assad, que Paris considère comme le principal responsable des 220.000 morts depuis mars 2011.

Prenant pour la première fois officiellement acte de "l'incapacité et (de) l'absence de volonté du régime d'al-Assad de lutter contre Daech", la coalition a appelé au "prompt lancement d'un véritable processus politique inclusif, sous l'auspice des Nations Unies, en vue de mettre en oeuvre les principes du communiqué de Genève".

Cet accord conclu en Suisse en juin 2012, le seul jamais agréé par la communauté internationale, prévoit la mise en place par consentement mutuel d'un gouvernement transitoire doté des pleins pouvoirs exécutifs, mais il n'a jamais été appliqué car il ne se prononçait pas sur le sort du président al-Assad.

Que ce soit en Syrie ou en Irak, la coalition a souligné "l'urgence de poursuivre et d'intensifier l'effort collectif pour vaincre Daech qui constitue une menace pour l'ensemble de la communauté internationale", selon le communiqué final.

Le texte évoque "une stratégie commune, multidimensionnelle et de long terme afin d'affaiblir et, à terme, d'éradiquer Daech". Jusqu'à présent, la coalition effectue des raids aériens et tente de former des soldats irakiens ou des rebelles modérés syriens pour l'action au sol. Mais ces raids ont peu de prise sur les "camions-bombes" utilisés par Daech et les efforts de formation n'ont pas empêché la récente débâcle de l'armée irakienne à Ramadi.

Les frappes "ne suffisent pas", a déclaré lundi à l'AFP le chef du Parlement irakien, Salim al-Joubouri, tandis que l'Irak connaissait l'une des attaques les plus meurtrières de l'année (37 morts). Elle a été revendiquée mardi par Daech qui a indiqué qu'elle avait été réalisée par trois kamikazes, un Somalien, un Tadjike et un Syrien.

Le 03/06/2015 à 17h45