L’hydroxychloroquine interdite: le coup de gueule de Sarah Bellali, médecin marocaine de l’équipe de Didier Raoult

Sarah Bellali, docteur en microbiologie, et le professeur Didier Raoult.

Sarah Bellali, docteur en microbiologie, et le professeur Didier Raoult. . DR

Suite à la décision du Haut conseil de la santé publique (HCSP), de l’Agence du médicament (ANSM) et de l’OMS de ne pas utiliser l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 hors essais cliniques, les voix s’élèvent. Parmi celles-ci, Sarah Bellali, membre de l’équipe du professeur Raoult.

Le 26/05/2020 à 17h41

Il aura suffi d’une étude parue dans la revue scientifique The Lancet, laquelle décrète l’inefficacité et les risques liés à l’hydroxychloroquine, pour que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et l’Agence du médicament (ANSM) en France se disent défavorables à son utilisation contre le Covid-19, comme traitement ou lors d’essais cliniques.

De son côté, l’Agence du médicament a annoncé avoir «lancé» la procédure de suspension «par précaution» des essais cliniques évaluant l’hydroxychloroquine chez les patients atteints de Covid-19. Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle a suspendu dès lundi, suite à la parution de The Lancet, les essais cliniques qu’elle mène avec l’hydroxychloroquine dans plusieurs pays, par mesure de précaution.

Du côté de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) en maladies infectieuses, de Marseille, on ne décolère pas. Emboîtant le pas aux déclarations du professeur Didier Raoult qui considère cette étude «foireuse», Sarah Bellali, docteur en microbiologie, s’est fendue d’une longue déclaration sur sa page Facebook afin d’exprimer sa position quant à ce traitement, n’hésitant pas à brandir l’exemple du Maroc, son pays d’origine, en guise d’exemple de réussite dans l’administration de ce traitement.

«En raison de la controverse actuelle sur le protocole thérapeutique adopté par le Maroc et plusieurs pays... J'ai décidé de commenter cette polémique en tant que chercheur scientifique... Je ne vais pas entrer dans un débat politique, je vais garder mon avis pour moi-même», annonce ainsi la jeune femme de 28 ans, première scientifique à avoir pris des clichés au microscope du nouveau coronavirus.

«L'hydroxychloroquine est le médicament le plus prescrit et le plus vendu au monde», poursuit-elle, ne comprenant pas que celui-ci figure «du jour au lendemain parmi les drogues les plus dangereuses».

La scientifique s’interroge: «pourquoi ne pas avoir empêché son utilisation pendant des années, pourquoi seulement maintenant?», tout en concédant qu’il «n’est pas recommandé de l’administrer à un groupe de patients souffrant de problèmes cardiaques» et en expliquant ainsi que de fait , «la prescription doit se faire sous la surveillance d'un médecin, comme dans le cas de tout médicament qui a des effets secondaires s'il est donné incorrectement».

Puis, Sarah Bellali revient plus en détail sur l'étude publiée dans The Lancet, laquelle déclare l'hydroxychloroquine comme étant inefficace et dangereuse.

«Tout d'abord, il s'agit d'une étude basée sur les dossiers des patients et non d'une étude clinique (stades expérimentaux de laboratoire et stades cliniques 4, randomisés et codifiés, etc.)», annonce-t-elle avant d’expliquer que l’étude en question n’apporte pas de nouvelles informations tant il est aujourd’hui considéré comme acquis le fait que ce traitement doit être administré dès les premiers symptômes, alors que l’étude tient compte de «patients qui entrent en soins intensifs».

«20% des patients du groupe ayant reçu de l'hydroxychloroquine avaient besoin d'oxygène, et dans le groupe n'ayant pas reçu de traitement, seulement 7% avaient besoin d'oxygène!» s’insurge-t-elle. Or, selon la scientifique, «ce traitement ne peut pas être administré à ceux qui ont des problèmes cardiaques... Et dans l'étude, ils ont reçu un traitement!», poursuit-elle visiblement très étonnée par les résultats de ladite étude.

En quatrième point de son argumentaire, Sarah Bellali souligne le fait que l’étude ne permet pas de connaître «l'état des patients et à quel stade de l'infection ils se trouvent», car, il a « seulement été dit qu'ils avaient reçu le médicament 48 heures après le diagnostic (ce qui signifie qu'ils étaient infectés par le virus)», sans compter que «les données sur les doses données aux patients ne sont pas disponibles».

La médecin s’attarde ensuite sur l’exemple du Maroc en expliquant «qu’il n'y a aucun moyen de comparer cette étude ni une autre avec ce qui a été approuvé par certains hôpitaux en France (Marseille par exemple) ou au Maroc, alors même que «l'efficacité de ce traitement dans le nombre de ceux qui se rétablissent et le nombre de décès» est avérée.

«Le monde d'aujourd'hui est devenu étrange», conclut-elle, saluant au passage «les mesures proactives prises par le Maroc et les efforts considérables déployés par chaque citoyen marocain du secteur de la santé et d'autres».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 26/05/2020 à 17h41