Les conséquences humaines de la crise dans le Golfe

Dans un supermarché de Doha, au Qatar, le 10 juin 2017.

Dans un supermarché de Doha, au Qatar, le 10 juin 2017. . DR

Rashed Al-Jalahma, étudiant de 22 ans, a passé quasiment toute sa vie au Qatar mais, dans les prochains jours, il devra décider s'il retourne ou pas à Bahreïn, son pays natal qui intime à ses citoyens de quitter l'émirat.

Le 11/06/2017 à 21h17

Le jeune homme, qui étudie l'ingénierie aéronautique, fait partie de ces milliers de "Khaleejis" - citoyens du Golfe - affectés par la crise diplomatique qui a embrasé la région il y a une semaine et qui a de plus en plus de conséquences humaines. "Les gens n'ont rien à voir avec ça, c'est irrationnel", affirme-t-il à l'AFP. "Chez moi, c'est là où mon coeur est et je pense que c'est le Qatar. C'est ma maison".

Rashed dit avoir visité le royaume de Bahreïn seulement quatre fois dans sa vie. Son père, bahreïni, et sa mère, qatarie, se sont séparés quand il avait six ans. Il vit depuis qu'il est bébé avec sa mère et deux soeurs à Doha, et n'a plus de relation avec son père. L'étudiant doit maintenant décider s'il retourne dans un pays qu'il connaît à peine ou s'il reste au Qatar avec le risque de perdre la nationalité bahreïnie et de devenir "apatride".

Selon l'ONU, la loi au Qatar ne permet en aucun cas à une mère de donner sa nationalité à ses enfants, "même si cela aboutit à une situation d'apatride". Le 5 juin, plusieurs pays arabes ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar en l'accusant de "soutenir le terrorisme". Mais trois d'entre eux - Arabie saoudite, Emirats arabes unis et Bahreïn - sont allés plus loin en fermant leurs frontières et en ordonnant aux Qataris de quitter leurs pays dans un délai de 14 jours et à leurs citoyens de quitter le Qatar dans le même délai.

Vendredi, Amnesty International a averti qu'en appliquant de telles mesures drastiques, Ryad et ses alliés "jouaient" avec la vie de milliers d'habitants du Golfe, séparant des familles et détruisant les moyens de subsistance et d'éducation d'une partie de la population. Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson s'est également inquiété des "conséquences humanitaires", demandant aux adversaires du Qatar d'alléger le blocus.

Embargo injuste

Une femme qatarie a rapporté qu'elle allait peut-être devoir laisser un enfant ayant besoin d'attentions particulières en Arabie saoudite. Il a la nationalité saoudienne, héritée d'un père décédé. Un Saoudien, qui se trouve au Qatar pour être opéré d'un rein, doit désormais rentrer chez lui. Une famille saoudienne a été bloquée à la frontière alors qu'elle devait assister à des funérailles familiales au Qatar, selon des images diffusées sur un réseau social.

Le Qatar compte 11.382 résidents d'Arabie saoudite, des Emirats et de Bahreïn, selon la Commission nationale des droits de l'Homme à Doha. Près de 6.500 Qataris - hommes et femmes - sont mariés à des partenaires de ces trois pays. Le chef de la Commission, Ali ben Samikh Al-Marri, a dénoncé ce qu'il a qualifié "d'embargo injuste qui viole toutes les conventions internationales sur les droits de l'Homme". Sous la pression internationale, les protagonistes de la crise ont fait quelques gestes dimanche.

Les autorités d'Arabie, des Emirats et de Bahreïn ont légèrement assoupli leur position, ordonnant que soient examinés certains "cas de familles mixtes" susceptibles d'être séparées. Et le Qatar a donné la liberté aux ressortissants de ces trois pays de rester sur son territoire, en dépit des "campagnes hostiles et tendancieuses" contre lui. Mais ça ne règle pas le problème de la nationalité de Rashed et les risques qui pèsent sur celle-ci s'il ne retourne pas à Bahreïn. "Je n'ai jamais vu ma mère aussi inquiète".

Le 11/06/2017 à 21h17