La presse algérienne accuse l’Égypte de «perfidie», après le fiasco de la visite du président Tebboune au Caire

Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune.

Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. . DR

La presse algérienne est en colère contre les autorités égyptiennes après le fiasco de la visite que vient d’effectuer le président Abdelmadjid Tebboune au Caire, les 24 et 25 janvier derniers. Certains journaux sont même allés jusqu’à demander à Alger de revoir ses relations avec Le Caire, en raison, surtout, de sa parfaite entente avec Rabat.

Le 28/01/2022 à 10h12

Dans son édition du 25 janvier, jour de la fin de la visite de deux jours de Abdelmadjid Tebboune au Caire, le journal algérien Le Jeune indépendant tire à boulets rouges sur les autorités égyptiennes. Motif de son mécontentement: en même temps que Tebboune s’apprêtait à prendre un avion pour Le Caire, l’Egypte proclamait ses relations solides et millénaires avec le Maroc.

En effet, l’ambassadeur égyptien à Rabat, Yasser Mostafa Othmane, est ainsi accusé d’avoir fait foirer la visite officielle du président algérien au Caire, en rappelant dans une déclaration au journal en ligne Hespress que l’Egypte a toujours soutenu et reconnu la marocanité du Sahara.

«L’Egypte appuie avec force l’unité territoriale du royaume du Maroc et refuse toute ingérence dans ses affaires internes. Nous ne reconnaissons pas la république sahraouie et nous n’avons aucune relation avec le front Polisario», a déclaré Yasser Mostafa Othmane dimanche dernier, 23 janvier 2022, ajoutant que l’Egypte «soutient le plan d’autonomie, une position qui ne souffre aucune ambiguïté et ne peut être interprétée autrement (…). Elle est forte et claire en faveur l’unité du territoire marocain».

Et le journal algérien de dénoncer ce qu’il appelle le «double langage» du gouvernement égyptien, avant d’enfoncer davantage le clou en se demandant: «Faut-il bâtir, alors, un vrai partenariat économique avec un Etat qui cultive la perfidie et l’irrespect diplomatique?».

Pour sa part, le quotidien Liberté, dans un éditorial paru le 26 janvier sous le titre «Le coup de Jarnac d’El Sissi» –l’expression coup de Jarnac désignant un tour imprévisible, à la fois ingénieux et perfide, qui ruine l’autre partie–, s’en prend à son tour à l’Egypte à travers la déclaration de son ambassadeur à Rabat.

«Si cette déclaration rappelle l’hostilité historique de l’Egypte à l’égard de la cause sahraouie, par son timing, elle signifie aux autorités algériennes que Le Caire a davantage de positions communes avec Rabat qu’avec Alger. Et, par ricochet, la sortie de l’ambassadeur Mostafa Othmane empêche –par anticipation– l’Algérie de tirer des dividendes diplomatiques du voyage de Tebboune», écrit Liberté.

D’ailleurs, il transparaît clairement des déclarations de Tebboune lui-même que sa virée égyptienne a été un échec total. En effet, s’exprimant mardi dernier, 25 janvier 2022, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue égyptien, le président algérien a parlé de «l’impératif de poursuivre et d’élargir les concertations, en prévision du sommet arabe qu’abritera l’Algérie». Abdelmadjid Tebboune a ainsi laissé entendre indirectement que de nombreux obstacles et désaccords s’opposaient encore à la tenue d’un sommet arabe à Alger, dont il n’a pas pris le risque, cette fois-ci, de lui fixer une nouvelle date.

La récente initiative prise par l’Algérie de jouer aux bons offices entre les différentes factions palestiniennes a été, rappelons-le, mal vue au Caire, qui a considéré ce geste comme un empiètement sur son terrain diplomatique. Pressée par l’impératif de brandir un trophée diplomatique, la junte ne sait plus où elle met les pieds et multiplie les maladresses et les erreurs. L’annonce par Tebboune d’une conférence à Alger entre les factions palestiniennes est évidemment une erreur diplomatique qui ne peut que déplaire aux autorités égyptiennes.

Un ancien diplomate d’un pays de l’UE au Caire l’annonçait déjà, interrogé par Le360 dans un précédent article: «l’interlocuteur et l’intermédiaire entre les factions palestiniennes, c’est l’Egypte. Ce champ-là est la chasse gardée du Caire. Que l’Algérie veuille s’inviter sur un terrain quasi-exclusivement égyptien est très maladroit et n’est pas de nature à plaire au président Al-Sissi», a affirmé cet interlocuteur, qui a ensuite ajouté que «l’Egypte n’acceptera jamais que l’Algérie vienne chasser dans son domaine».

Le journal arabophone établi à Londres El Arab rapporte dans son édition du 26 janvier, le fait que la médiation algérienne auprès des factions palestiniennes a été à son tour un fiasco, car son objectif réel n’était pas vraiment la réconciliation entre Palestiniens, mais l’incitation de ceux-ci à condamner ouvertement la reprise des relations entre le Maroc et Israël, à l’exception des autres pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu. Ce qui ne s’est pas produit.

Ironie du sort et comble de l’humiliation pour le régime algérien, l’agence de presse officielle algérienne, APS, a écrit mardi dernier que Tebboune a «déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du président égyptien défunt, Anouar El Sadate, et récité la Fatiha». Pourtant, Sadate n’est autre que le premier chef d’Etat arabe à avoir officiellement normalisé les relations de son pays avec Israël. C'était il y a 42 ans, en 1979, au grand dam du «Front de la fermeté», mené à cette époque par l’axe Alger-Damas-Téhéran.

Aveuglé par sa haine pathologique contre le Maroc, le régime algérien multiplie ainsi les faux pas et les échecs diplomatiques. A tel point que chaque démarche de la junte est aujourd’hui interprétée par les chancelleries étrangères comme motivée par un acte hostile envers le Maroc. Cette hostilité hystérique de la junte au Royaume a ainsi amplement contribué à l’échec de la visite de Tebboune en Egypte.

Par Mohammed Ould Boah
Le 28/01/2022 à 10h12